Irrésistible Sienna
Avec
Sienna Miller

De sa succession de performances puissantes à ses positions audacieuses en faveur d’une rémunération et d’un traitement équitables sur les plateaux de tournage, SIENNA MILLER tient bon. Alors pourquoi a-t-elle l’impression d’être un « imposteur » à Hollywood ? Elle discute estime de soi, validation de ses pairs et aisance dans les situations difficiles avec AJESH PATALAY.
Sienna Miller est sous le choc. C’est ainsi qu’elle décrit son état actuel. Après avoir passé quatre heureuses années à New York, elle a dû s’installer à Londres à la dernière minute. « C’est surréaliste car je ne me sentais pas prête à revenir », me confie-t-elle, dans l’entrée de sa maison située dans l’ouest de Londres. « Je dois me rappeler que je suis ici pour le travail. »
Le travail en question, son premier rôle depuis qu’elle a fini de tourner la mini-série The Loudest Voice sur Roger Ailes, le fondateur de Fox News, en avril 2019, est une adaptation Netflix du roman à succès Anatomie d’un scandale. Elle incarne la femme d’un député britannique conservateur adultère. Le tournage de la série, écrite par le scénariste de Big Litte Lies et avec Rupert Friend et Michelle Dockery à l’affiche, devait avoir lieu cet été à Londres. Lorsqu’il a été reporté à la mi-automne, Sienna a dû inscrire sa fille de 8 ans, Marlowe (dont le père est l’acteur britannique Tom Sturridge, l’ancien compagnon de Sienna), dans une école ici plutôt qu’à New York. Elle s’est donc engagée à rester un an, peut-être plus, ce qui la déstabilise. « Je pense que je suis plus gênée à Londres », dit-elle. « J’ai l’impression que tout le monde m’a vue en petite tenue. » Son passé avec les tabloïds est sans doute plus présent de ce côté-ci de l’Atlantique.
Pour compliquer la situation, Marlowe a récemment été renvoyée chez elle après que deux instituteurs aient contracté le coronavirus. Elle avance maintenant dans son programme scolaire depuis la maison, dans la pièce d’à côté. Cela renvoie l’actrice à des souvenirs de quarantaine, qu’elle a passée dans l'État de New York, lorsque les écoles ont fermé et qu’elle a pris en charge l’enseignement de sa fille. « Elle était trop jeune pour pouvoir s’en occuper seule », se souvient-elle. « Et dans la mesure où elle est fille unique, elle n’était pas stimulée par les enfants de son âge, alors j’ai dû régresser et adopter l’état d’esprit d’une petite fille de sept ans. Ce ne fut pas de tout repos mais je suis très heureuse de l’avoir fait. Mais je n’avais pas beaucoup de temps pour autre chose. J’avais décidé d’apprendre une langue, alors j’avais téléchargé l’application Babbel. Je ne l’ai ouverte qu’une seule fois. »
Aujourd’hui, la jeune femme de 38 ans, vêtue d’un jean et d’un pull ample, est toujours aussi belle et lumineuse. Le large col d’une chemise à motifs de Wales Bonner dépasse du haut de son tricot. Elle a répété les répliques de The Loudest Voice, essayant de donner à son personnage des accents anglais raffinés, tandis que son teckel à poil dur Walter et son chien de sauvetage Tennessee font un petit somme sur le sol.
« J’aime APPRENDRE de mes expériences, cela m’aide à mieux me connaître ainsi que l’autre personne. Comment se fait-il que l’on puisse être aussi AMOUREUX puis se comporter comme des étrangers ? Ou se BLESSER si profondément sans le vouloir ? »
Ce nouveau projet lui a cependant demandé de puiser dans ses expériences relationnelles antérieures. Elle me parle, par exemple, de la vive émotion qu’elle a ressentie à la lecture du scénario. « L’idée d’analyser une relation de son début à sa fin et de pouvoir remonter le temps et regarder les moments où vous vous êtes trompés… J’ai pleuré chaque fois que je l’ai lu », avoue-t-elle. « Le moment qui m’a le plus marquée, c’est quand elle se souvient de cette personne qu’elle aimait, et je pense qu’étant une femme avec une fille, il y a des parallèles ; c’était rempli de nostalgie et de désir. Cela m’a brisé le cœur de voir comment les gens se trompent et les erreurs qu’ils font. »
Je suis ici pour parler de son nouveau film, Wander Darkly, qui raconte l’histoire d’un couple (joué par Sienna et Diego Luna) de nouveaux parents à la dérive. Après un événement traumatisant, ils se retrouvent à passer en revue les moments marquants de leur relation dans l’espoir de la sauver. Sienna y est admirable. C’est sa dernière prestation d’une série de performances de premier plan (incluant ses rôles dans American Woman, Manhattan Lockdown et The Loudest Voice) qui ont attiré l’attention sur sa présence à l’écran, plutôt que sur sa vie privée et ses fréquentations, une obsession des médias.
Il est très souvent difficile de regarder un couple admettre ses erreurs, une situation que le film dépeint à la perfection. « Certaines personnes ne veulent pas faire face à ces problèmes et sont très douées pour les contourner », estime l’actrice. « Je suis tout le contraire. J’aime apprendre de mes expériences, cela m’aide à mieux me connaître ainsi que l’autre personne. Comment se fait-il que l’on puisse être aussi amoureux puis se comporter comme des étrangers ? Ou se blesser si profondément sans le vouloir ? » Je comprends que le lien entre fiction et réalité est très mince.
J’évoque une interview avec elle, Diego Luna et la réalisatrice du film, Tara Miele, au Festival du film de Sundance, où le film a été présenté en avant-première. L’interviewer demande si l’un d’entre eux a déjà vécu une relation difficile, semblable à celle du film, et Luna et Miele se tournent immédiatement vers Sienna. Sachant ce que nous pensons tous savoir sur sa vie personnelle, qui ne le ferait pas ? Je demande si elle était consciente de cet aspect quand elle a accepté le rôle. « Non, je ne pense jamais aux choses de cette façon », dit-elle. « Je devrais peut-être le faire. Mais mes relations m’ont probablement intriguée à un niveau tel que ce film a trouvé un écho. »
« Plus vous prenez l’habitude de devoir vous DÉFENDRE, plus vous développez votre CONFIANCE et votre estime de vous-même. J’essaie de M’AFFIRMER »
Elle souligne à juste titre que tout le monde a déjà eu un chagrin d’amour. La seule différence étant que les siens sont publiques. « Je n’ai plus l’impression que les gens s’intéressent particulièrement à ma vie privée », ajoute-t-elle. « C’était certainement le cas quand j’étais plus jeune, ce qui était d’autant plus difficile. Mais je pense que le monde a changé. Je travaille depuis assez longtemps. Il y a assez de choses à dire. Je ne me sens pas appréciée uniquement pour mes vêtements ou mes compagnons. Je ne me sens pas non plus définie par ces expériences. C’était sûrement le cas quand j’avais 21 ou 22 ans. Peut-être que c’est différent en Angleterre, mais je ne pense pas qu’aux États-Unis, ce soit aussi important. »
Néanmoins, son « expérience agressive de la célébrité », qui comprend également le piratage de son téléphone qui lui a valu un procès (qu’elle a remporté) contre News of the World, lui a donné le sentiment d’être « totalement épuisée » et a entamé sa confiance en elle. « Maintenant, je peux me défendre », dit-elle, semblant faire référence à sa vie privée. Mais en tant qu’actrice à Hollywood, « j’ai l’impression d’être un imposteur », me confie-t-elle. Ce manque de confiance s’est étendu à certains aspects de sa carrière, comme la négociation des salaires.
Elle a récemment révélé que l’acteur disparu Chadwick Boseman avait renoncé à une partie de son salaire pour couvrir le cachet qu’elle avait demandé pour jouer à ses côtés dans Manhattan Lockdown. L’une des rares fois où Sienna réclamait le montant qu’elle méritait. Je lui demande comment elle a choisi ce chiffre et elle parle du nombre de jours de tournage nécessaires, mais aussi du fait que, « en tant que femme, on compte tellement sur vous pour la promotion que les hommes ne le font pas souvent. Ce que vous portez sur un tapis rouge, tous les rendez-vous avec la presse… Ils en ont pour leur argent », dit-elle.
« Je TREMBLAIS et ai dit [à mes agents] “Je ne sais pas quoi faire.” Je n’avais jamais été aussi terrifiée de toute ma vie. Ils m’ont répondu : “Ne quitte pas ta loge. REFUSE de jouer.” Il s’agissait là d’un geste très fort, et j’ai obtenu ce que JE VOULAIS »
Pour American Sniper, elle a participé à la tournée publicitaire régionale parce que son partenaire à l’écran, Bradley Cooper, jouait dans The Elephant Man à Broadway. Mais elle estime avoir été « anormalement sous-payée » pour ce film et sa prime pour en faire la promotion a été « ridicule », compte tenu du fait que le film est devenu l’un des plus rentables de tous les temps. « À l'époque, bien sûr, j’étais vraiment reconnaissante », se souvient-elle. « D’avoir un rôle dans un film de Clint Eastwood. Je venais d’avoir un enfant, je n’avais pas travaillé depuis un certain temps, c’était avec Bradley Cooper et l’histoire était incroyable. Ils savaient que je le ferais pour une bouchée de pain, et que je l’avais toujours fait. »
Les choses sont différentes maintenant. Non seulement les femmes à Hollywood militent pour l’égalité des salaires, mais en plus, elle a engagé un « avocat démoniaque » qui l’a éduquée sur sa valeur. « Je suis assez dure en ce moment », dit-elle. « Changer de lieu de tournage quand vous êtes une mère célibataire (les hommes doivent le faire aussi, mais le plus souvent leurs femmes restent à la maison avec les enfants) signifie que je dois amener mon enfant, trouver une école, trouver une garderie. Qui paie pour cela ? Pourquoi ne serais-je pas mieux indemnisée pour déraciner toute ma famille pour travailler ? C’est une bataille. Son père est incroyable, je ne dis pas que je suis seule, mais en tant que mère qui travaille, je ne peux pas être éloignée de mon enfant. »
Lorsque Chadwick Boseman a augmenté son salaire, ce fut un grand moment. « C’est une question de respect de soi. Un acte de générosité comme celui-là, c’est gratifiant. Et peut-être que je ne devrais pas chercher la validation de mes pairs, mais je le fais. J’estime qu’il s’agit de réapprendre à se défendre. En fin de compte, je cherche beaucoup à plaire. Je veux que tout le monde ait une bonne expérience, je ne veux pas être difficile. »
« Changer de lieu de tournage quand vous êtes une MÈRE CÉLIBATAIRE signifie que je dois amener mon enfant, trouver une école, trouver une garderie. QUI PAIE pour cela ? Pourquoi ne serais-je pas mieux indemnisée pour déraciner toute ma famille pour travailler ? C’est une BATAILLE »
« Mais ensuite, il s’est passé quelque chose sur le plateau de The Loudest Voice. Il y a eu un problème avec les prothèses. » Sienna devait porter des prothèses sur le visage pour les besoins de son personnage. « Lors de la première semaine de tournage, nous venions de filmer une scène et devions enchaîner sur la suivante mais cela prenait trop de temps de mettre toutes les prothèses. Tout le monde voulait que je continue sans. Je me disais que ce n’était pas possible, et en plus nous avions un accord. J’ai appelé mes agents. Je tremblais et leur ai dit “Je ne sais pas quoi faire.” Je n’avais jamais été aussi terrifiée de toute ma vie. Ils m’ont répondu : “Ne quitte pas ta loge. Refuse de jouer.” Il s’agissait là d’un geste très fort, et j’ai obtenu ce que je voulais. Quand j’y repense, je me dis que cela ne serait jamais arrivé à Russell [Crowe, son partenaire à l’écran]. Cela ne serait pas arrivé à des hommes. » Russell a approuvé sa réaction. « Il a adoré. Il m’a dit “Bien joué, tu ne t’es pas laissé faire.” »
C’est une chose sur laquelle Sienna travaille, pour lutter contre les défis que représente le fait d’être traitée différemment en tant que femme. « Plus vous prenez l’habitude de devoir vous défendre, plus vous développez votre confiance et votre estime de vous-même », conclut-elle. « J’essaie de m’affirmer. Cela peut signifier avoir des conversations difficiles et se défendre d’une manière qui ne me vient pas naturellement, mais je fais de mon mieux. »
Wander Darkly sortira sur plusieurs plateformes en décembre 2020.
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