Carpe Diem
Avec
Alicia Keys

Elle a beau être l’une des plus grandes artistes au monde, ALICIA KEYS ose changer de répertoire au gré de ses envies. La star du R’n’B partage sa joie de vivre et se confie à HANNA HANRA sur la maternité, son côté « battante » et la révolution « no-makeup ».
Lorsque Alicia Keys descend de sa voiture, la foule se presse autour d’elle ; des grands-mères qu’elle enlace aux familles lui demandant des photos en passant par de jeunes skaters rappant devant elle et qu’elle filme avec son smartphone… Voici une femme qui aime les gens, légitimant son succès planétaire : 35 millions d’albums vendus, 15 Grammys raflés (et nominée pour 14 autres) et 15 ans de chansons marquantes, de Fallin’ à Empire State of Mind (cinq fois disque de platine). L’autre raison : son extraordinaire voix, bien sûr.
Celle que l’on appelle souvent la reine du R’n’B est aussi mère de deux garçons (Egypt, six ans, et Genesis, un an), mariée au célèbre producteur de disques Swizz Beatz, cofondatrice d’une association caritative luttant contre le Sida
en Afrique, juge sur le The Voice américain et, depuis peu, figure de proue du mouvement #nomakeup.
Contrairement à beaucoup de stars qui se targuent de ne pas porter de maquillage, c’est réellement le cas chez Alicia Keys. D’ailleurs, la chanteuse paraît dix ans plus jeune que ne le laissent soupçonner ses 35 ans. Sa maquilleuse attribue ça à son alimentation, son sommeil, à l’acupuncture et à son masseur pour le visage. Mais c'est sans doute aussi dû à son enthousiasme débordant. Assise dans son 4x4 – siège bébé à l’arrière, panier plein de babioles à ses pieds –, elle rit du fait qu’elle n’a pas pris d’argent avec elle, et demande si elle peut emprunter 20 $ pour un thé avant de se raviser et de se rendre aux toilettes d’un pas pressé.
“Je me demande constamment si je fais les choses pour moi-même ou pour quelqu’un d’autre”
En début d’année, sur le site de Lena Dunham, la musicienne a rédigé une Lenny’s Letter expliquant pourquoi elle ne se maquillerait plus sur le tapis rouge ou autres shootings. Projeter une image parfaite inatteignable est quelque chose qu’elle ne souhaite plus promouvoir. Rester elle-même, sans se cacher derrière un « masque », l’a fait se sentir plus belle et plus forte qu’auparavant.
« Lorsqu’on se cherche, on fait d’autant plus attention au jugement des autres », dit-elle au sujet de cette prise de conscience. « C’est l’étape la plus difficile. On se renferme sur soi et on se croit bizarre parce qu’on ne sait pas vraiment qui on est ; on veut se conformer à l’image que les autres se font de nous. Et puis, on se retrouve soudainement pris dans le piège de ce phénomène de société, passant notre temps à vouloir se sortir de cette image. »
Être une célébrité, assurer une viabilité commerciale, affronter et déjouer les aléas du succès, trouver son bonheur et faire celui des équipes qui vous entourent et des fans… Estimer si on est sur la bonne voie peut s’avérer difficile. « Je me demande constamment si je fais les choses pour moi-même ou pour quelqu’un d’autre, dit-elle avec sérieux. J'ai exploré ma vie intérieure. » Puis elle se met à rire : « Ça me fait halluciner ! »
“J’écoute ce que mon corps me dit. J’ai découvert que je suis une battante, que je n’ai pas peur”
Née à Manhattan, Alicia Cook a grandi dans le quartier de Hell’s Kitchen et fait, à quatre ans, ses premiers pas à la télé dans le Cosby Show (elle y jouait l’amie de Rudy Huxtable, la benjamine de l’acteur principal). À sept ans, elle commence le piano, et à 12, elle s’inscrit à la Professional Performing Arts School dont elle sort diplômée quatre ans plus tard. À 20 ans, son single Fallin’ voit le jour. Son talent pour une musique très travaillée et des textes authentiques – son dernier titre, Blended Family, raconte sa relation avec les enfants de son mari d’une précédente union – la classe dans une catégorie de chanteuse pop résolument à part, chaque album révélant une voix de plus en plus affirmée, loin des clichés habituels, tout en entretenant une fan base qui ne jure que par leur reine. Rien ne lui résiste ; elle est aussi à l’aise à l’heure de chanter l’hymne national au Super Bowl que de faire monter Jay-Z sur scène lors de son récent concert à Times Square.
Son nouvel opus, Here, marque toutefois un changement de direction. « Je me sens différente. C’est une histoire de maturité, de vivre pleinement les choses…, confie-t-elle. Devenir mère m’a rendu forte, mais ne m’a pas donné la force de faire ce que je fais à présent. Si je devais trouver une raison à ce nouvel élan, je dirais que cela vient de l’attention que je porte à ce que mon corps peut me dire ; c’est totalement nouveau pour moi et cela m’a ouvert énormément de portes. » Et qu’a-t-elle découvert derrière celles-ci ? « Que je suis une battante, que je n’ai pas peur, que je ne suis pas inhibée… Et rien de ce que j’ai pu être auparavant. »
Ponctuant ses déclarations de rires enroués, de « donne m’en cinq » et autres termes argotiques, Alicia est on ne peut plus aimable (en regardant sa longue robe violette aérienne, ses pieds nus et sa coupe afro, il est difficile de l’imaginer dans une robe noire ajustée et avec un carré strict, comme dans le passé).
Sa musique a quelque chose d’hypnotique, on voudrait qu’elle ne s’arrête plus jamais. Quand je lui explique qu’on m’a seulement permis d’écouter quelques chansons de l’album, elle se met à chanter a cappella, avant de s’exclamer fièrement : « C’est d’la balle ce morceau ! » Je lui raconte qu’une célébrité a écouté Girl On Fire en boucle dans son jet privé, cinq heures durant, le regard perdu dans le vide. Elle en éclate de rire. « Il semblerait que ce soit l’effet que ma musique fait aux gens, dit-elle. J’ai l’impression que cette honnêteté brute qui ressort de l’album leur parle. Je pense que ça va leur apporter quelque chose qu’ils ignoraient. C’est un album important pour moi. »
Sa joie de vivre est contagieuse (« Je suis heureuse pour nous tous ! »), mais est-elle toujours dans cet état d’exaltation ? « J’ai du mal à me détendre, admet-elle. J’aime les massages, et je pense les mériter. Je médite aussi depuis un an – ça a changé mon rapport aux autres, à ma musique et à mes enfants. » Comment ce nouvel angle zen s’accommode-t-il d’une maison pleine de garçons ? « J’ai l'impression que c’était écrit. On dit toujours que les enfants apprennent de leur mère.Alors avec des classiques comme Blanche Neige, je ne suis pas très à l’aise de les laisser les regarder. C’est tellement sexiste et misogyne – elle fait le ménage de sept nains quand même. Je n’ai rien contre les femmes qui choisissent de rester à la maison pour s’occuper des enfants, c’est un énorme boulot, mais c’est la façon dont ces femmes sont représentées qui me déplaît. »
Est-ce que tous ces différents aspects de la vie se rassemblent et finissent par former comme un filtre à travers lequel passe sa musique ? « Pour la première fois, j’ai conscience que l’art, l’engagement politique, les mouvements sociaux sont liés. J’ai cru pendant longtemps qu’ils ne l’étaient pas. »
Puis, souriant soudainement, elle ajoute, « C’est fou, c’est comme du courant électrique. » Elle s’esclaffe de plus belle, assise à l’arrière d’une voiture filant à travers les rues de New York. « Et je le ressens enfin ! On est tous connectés. Il était temps. »
Les personnes mentionnées dans cet article ne sont pas associées à NET-A-PORTER et n’en assurent pas la promotion, ni celle des produits présentés.