Héroïne sensuelle

Un tourbillon médiatique s’apprête à emporter Sophie Turner. Non pas que sa vie fut jusqu’à présent un long fleuve tranquille – elle incarne Sansa Stark dans la série culte Game of Thrones depuis ses 13 ans –, mais le mois prochain, alors que démarrera la saison six de la série, l’actrice fera aussi la gigantesque tournée promotionnelle de X-Men: Apocalypse auprès de Jennifer Lawrence, Michael Fassbender et Nicholas Hoult.

Non pas qu’elle soit en manque d’attention : elle était aux côtés de son amie Alicia Vikander lors de la cérémonie de remise des Oscars, a pris un vol Londres-New York pour participer à un shooting mode de sept minutes seulement et s’est retrouvée au front row du défilé Louis Vuitton AH16 à Paris.

Des étoiles brillent encore dans ses yeux, alors même qu’elle prend la pose dans les jardins glacés d’un manoir anglais, simplement vêtue de robes aériennes. Sophie nous éblouit de son sourire chaleureux pendant que l’équipe de The EDIT, qui s’affaire autour d’elle, tente de se réchauffer dans d’épais manteaux d’hiver. Professionnelle, certes, mais surtout heureuse de faire quelque chose qui lui plaît.

Pour l’actrice de 20 ans, sa carrière est surtout le fruit du hasard. Tout a commencé avec sa mère qui, pour avoir un peu de temps libre, a inscrit ses enfants à diverses activités. « Elle voulait tout simplement avoir un moment à elle et voir ses amis pour faire autre chose, dit Sophie, alors pour mes frères James et Will, 28 et 26 ans ça a été le rugby, et pour moi le théâtre. » Ce choix s’est fait en partie à cause de sa timidité maladive. « Je n’arrivais même pas à dire bonjour ou au revoir aux gens. » Ses premières représentations devant un public n’ont pas été une sinécure. « J’étais tellement nerveuse que je tremblais de tout mon corps et aurais pu me faire dessus. Si j’ai continué à y aller, c’est parce que c’était l’occasion d’occuper mon samedi, de jurer sur scène et d’embrasser des garçons. Jouer est une telle liberté – ni limites, ni jugements. »”

Ce raisonnement colle parfaitement à l’image de Game of Thrones, bien connu pour ses scènes chaudes et violentes, casting que l’actrice a rejoint âgée seulement de 13 ans. À l’époque, Sophie ne connaissait pas les livres cultes de George R. R. Martin, et n’avait fait qu’une audition (sans succès) jusque-là. Celle-ci était histoire de s’amuser avec les copines durant la pause déjeuner : « On y est allée sans prendre la chose au sérieux. » Mais au fur et à mesure que son premier rôle semblait être à portée de main, l’actrice ne pensait plus qu’à ça. « Tous les soirs, j’allais pleurer dans les bras de ma mère, pour lui dire : “Si je ne l’ai pas, je ne retourne plus à l’école ! Ce rôle, c’est tout pour moi !” Et puis je l’ai eu, et ce fut le plus beau jour de ma vie, et ça l’est toujours. »

Sept ans plus tard, Sophie est toujours heureuse de jouer Sansa ; l’ennui qui pourrait s’emparer d’un acteur après tant de temps n’est pas pour elle. « Ce personnage est comme ma meilleure amie, ma moitié, dit-elle. Je m’inquiète de son avenir car je la vois comme quelqu’un de réel et je suis toujours en train de demander à David et Dan Beinoff et Weiss, les créateurs de la série ce qui va lui arriver. Je pense à elle plus que je ne pense à moi. C’est comme si j’avais une double personnalité parfois même. »

En effet, Sophie Turner et Sansa Stark ont grandi ensemble auprès de leurs partenaires à l’écran qui sont devenus une famille maintenant. Le caractère sexuel propre à la série lui a évité d’aborder ce sujet délicat avec ses parents. Pour dire vrai, rien ne lui a vraiment été épargné sur le plateau, au contraire. « C’était très direct, rit-elle. Je me rappelle de la lecture de certains passages lors des répétitions ; j’en étais presque choquée. Après avoir vu la première saison, j’étais immunisée. »”

Pour l’instant, on aura vu Sansa ligotée et torturée dans des châteaux, mais les nouveaux épisodes la font sortir de ce rôle de victime. « Cette saison est incroyable ! Sansa en voit tellement qu’à la fin elle en est transformée, explique Sophie.

Elle doit prendre les choses en main car Theon Greyjoy, joué par Alfie Allen, qui a aidé Sansa à s’échapper de Winterfell à la fin de la saison cinq n’est plus que l’ombre de l’homme qu’il était, d’où cette prise de conscience. Jusqu’à présent, ses priorités étaient sa survie et revoir sa famille, mais la dernière saison l’a changée. Désormais, sa motivation première est la vengeance. »

Le prochain tome n’étant pas encore publié, la série prend d’autant plus de liberté. Comment arrive-t-elle à gérer ce suspens autour du sort de Sansa quand on sait que la saga n’hésite pas éliminer des personnages clés ? « Je pense que George a dit à David et à Dan tout ce qu’il y a à savoir, mais je ne sais pas si ce qu’on vient de tourner sera dans le livre, dit-elle. Ils peuvent faire ce qui leur plaît, donc croisons les doigts pour que ça continue en juillet. » Cela veut-il dire que Sansa est toujours vivante à la fin de la saison six ? Sophie ne peut le confirmer ; c’est top secret. Il y a cependant une interrogation à laquelle elle peut répondre : « On me demande sans cesse : “Jon Snow est-il bien mort ?” Bien sûr qu’il l’est ! »

Loin du royaume des Sept Couronnes, Sophie enfile un autre costume, celui de Jean Grey, l’étudiante aux pouvoirs télépathiques incontrôlables dans X-Men. Au programme du premier blockbuster de l’actrice : entraînements sportifs obligatoires et côtoiement de stars internationales, dont Jennifer Lawrence en personne, que Sophie a toujours admirée – par chance, le sentiment était partagé. « Elle m’a dit : “Je suis trop contente de travailler avec toi, j’adore Game of Thrones !”, raconte-t-elle incrédule. Elle est incroyable et tellement marrante. Mais comme elle était sur d’autres tournages en même temps, pendant qu’on faisait tous la fête le week-end, elle devait se rendre sur d’autres plateaux. On était sincèrement désolé pour elle ; elle était épuisée. »

Dès que le rôle lui a été offert, Sophie a contacté Famke Janssen, qui jouait une version plus âgée de Jean Grey dans les X-Men précédents, pour avoir son consentement. « Je détesterais que quelqu’un d’autre incarne Sansa. Je lui ai donc envoyée un email lui demandant si elle était d’accord avec ça. Sa réponse a été si adorable – “C’est un honneur que tu prennes la relève” – que j’en ai pleuré »

Autre point positif de cette aventure, avoir un coach personnel ; se préparer physiquement pour le film l’a beaucoup aidé. « Je n’étais pas très heureuse avec mon image et j’ai eu des passages à vide. La pression de correspondre à certains critères est telle que ce n’est pas facile pour les jeunes filles, surtout quand on est sujette aux critiques du publique etc. Être ainsi obligée à m’entraîner et à manger sainement m’a totalement transformée : m’a peau a vraiment changé et j’ai de l’énergie à revendre. »

La mode, elle aussi, a éveillé sa curiosité avec des apparitions dans des tenues signées Chloé, Galvan London et Carolina Herrera – aux antipodes de son premier tapis rouge, il faut le dire. « J’étais dans une robe que j’avais mise pour une soirée au lycée, dit-elle. Et je me suis maquillée dans le train. » À présent, elle fait appel à la styliste britannique, Rebecca Corbin-Murray. « Je vais chez elle et on boit du thé, puis du champagne et on essaye un tas de robes. C’est un jeu ; il n’y a rien de vraiment sérieux. »

C’est une bonne chose qu’elle apprécie l’expérience car nous avons hâte de voir son évolution qui promet d'être excitante.