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Avec

Camila Cabello

Avec un titre solo en tête des charts, le nom de CAMILA CABELLO est plus que jamais sur toutes les lèvres (et ses paroles également). La chanteuse discute avec LYNETTE NYLANDER de succès, de trac et de son expérience en tant qu’immigrée.

Photographe An LeRéalisation Tracy Taylor
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Après trois ans au sein du girls band Fifth Harmony, assemblé suite au passage de ses membres dans l’émission The X Factor, la chanteuse a décidé de s’en émanciper en 2016 et a entamé son incroyable ascension vers la gloire. Née à Cojímar sur l’île de Cuba, Karla Camila Cabello Estrabao a passé les premières années de sa vie entre sa ville d’origine et Mexico, avant que sa famille ne s’installe à Miami lorsqu’elle avait cinq ans. « Je n’ai pas vraiment de souvenirs de cette époque, mais j’ai le profond sentiment qu’elle a fait de moi la personne que je suis actuellement », confie-t-elle au sujet de son enfance.

Vêtue d’un haut à capuche noir de chez DKNY et du legging assorti, la jeune femme de 20 ans se présente sans fond de teint, et seules quelques traces de mascara et d’eye-liner maquillent ses yeux de braises, réminiscences de son style toujours glamour. En cette journée glaciale à New York, elle reste lovée tout près du chauffage, dans l’immense maison de Staten Island où a lieu notre interview. « Certains de mes traits de personnalité sont vraiment latinos », poursuit-elle. « Pour mes parents, rien n’est grave, parce qu’ils ont dû faire face à tant d’épreuves pour arriver là où ils en sont. Alors à chaque fois que j’angoisse avant de monter sur scène, ils me disent “Arrête tes idioties, ça va bien se passer.” »

Elle se décrit, plus jeune, comme « invisible à l’école, très timide. Je ne chantais que pour ma famille, je n’ai jamais pris part à cours de musique. La première fois que j’ai auditionné pour The X Factor et que je suis finalement apparue à la télévision, tous mes camarades de classe me regardaient avec de grands yeux et s’exclamaient « Quoi ??? », parce qu’ils étaient à des années-lumière d’imaginer que je pouvais chanter. »

Robe Cushnie et Ochs; créoles Jennifer Fisher.

“Pour mes parents, rien n’est grave car ils ont lutté. Quand j’angoisse, ils me disent ‘Arrête tes idioties’”

Haut Jonathan Simkhai ; créoles Jennifer Fisher.

À 15 ans, une Camila déterminée se rend en Caroline du Nord, accompagnée de sa famille, pour le casting de The X Factor. Elle est choisie comme suppléante, puis refusée par les producteurs du show. Mais la chance se manifeste en coulisse en la personne de l’impresario Simon Cowell, l’homme qui a changé son destin. Cabello est autorisée à auditionner et associée à d’autres chanteuses : Ally Brooke, Normani Kordei, Dinah Jane et Lauren Jauregui pour former Fifth Harmony.

Le groupe terminera 3ème de l’émission, ce qui ne le freinera aucunement dans sa conquête des ondes et du monde : les filles remportent un American Music Award, chantent à la Maison-Blanche et comptabilisent déjà plus d’1,6 milliard d’écoutes sur internet. Des rumeurs parlent de mésententes entre elles, mais Camila nous affirme que son départ a été uniquement motivé par l’envie de voler de ses propres ailes. « Après des heures passées en studio, j’ai vraiment eu envie de toucher à l’écriture, et il était temps ; je crois que ça faisait déjà deux ans que je faisais partie du groupe, et je voulais écrire pour d’autres artistes, explique-t-elle. Mais j’ai grandi et après mon premier baiser, mon premier rendez-vous, j’étais inspirée et je ne voulais plus donner ces textes à qui que ce soit, car les instants qu’ils évoquaient m’appartenaient. Je cherchais ma voix, et j’ai découvert la véritable passion, celle qui rend les choses plus intenses encore. »

Pour autant, cette expérience dans le groupe, elle n’en démord pas, ne lui a apporté que du positif. « C’est cela qui a forgé ma personnalité. Je n’aurais jamais été préparée pour ce que je vis à présent, admet-elle. Faire partie d’un groupe vous permet d’apprendre des choses sur vous-même, et développe votre esprit de compétition mais d’une façon très saine, vous voyez ce que je veux dire ? Vous ne voulez pas être la cinquième roue du carrosse. »

Haut Dolce & Gabbana ; jupe Prada ; créoles Jennifer Fisher.

“Je ne peux pas imaginer entendre : ‘vous ne pouvez plus vivre ici, retournez au Mexique ou à Cuba’”

Haut Zimmermann ; créoles Jennifer Fisher.
Haut Zimmermann ; jupe Roland Mouret ; créoles Jennifer Fisher.

Après avoir tiré sa révérence en décembre 2016, Camila lance son premier single solo, Crying in the Club, qui ne connaît pas le succès fulgurant de Havana. Pour tout dire, nous révèle-t-elle, Havana a failli ne jamais voir le jour : « J’enregistrais en studio en janvier dernier avec mon producteur, Frank Dukes, et on avait presque perdu espoir car on ne parvenait pas à terminer les couplets. Mais c’est de loin la meilleure chose qui soit sortie de cette session de travail. »

Heureusement, elle n’a pas baissé les bras, et grâce à Pharrell Williams, qui transforme tout ce qu’il touche en or, le morceau fut enfin terminé, augmenté d’un couplet du rappeur américain Young Thug, en touche finale. Camila a dédié le clip de Havana aux « Dreamers », ces milliers de jeunes immigrés non-renseignés qui, sous le gouvernement de Trump, risquent la déportation depuis le retrait de L’Action Différée pour les Arrivées d’Enfance (DACA). « Je ressens le besoin de m’exprimer sur le sujet car je trouve si injuste qu’ils doivent faire face à tout cela. Il n’y a rien qui me sépare vraiment d’eux, nos histoires sont similaires, songe la chanteuse. Comme moi, ils sont arrivés aux États-Unis quand ils étaient encore très jeunes… Je ne peux pas imaginer quelqu’un arriver et dire “Vous ne pouvez plus vivre ici, il faut retourner au Mexique ou à Cuba.” Je n’ai aucun repère là-bas, je n’aurais aucune idée de quoi faire. C’est déstabilisant, ces enfants ont passé pratiquement toute leur vie ici aux USA. Vous savez, la musique c’est ce que je fais pour moi, pour me faire plaisir, mais je voudrais m’en servir pour aider les autres aussi… Pour avoir un impact sur leurs vies. »

Haut Ellery ; jupe Dolce & Gabbana ; escarpins Paul Andrew ; créoles Jennifer Fisher.

En discutant avec elle, on ne peut pas s’empêcher de voir une jeune fille en train de s’épanouir, bien que ce soit sous les paillettes de l’industrie de la musique. Un sentiment confirmé par son premier album, sobrement intitulé Camila, sorti ce mois-ci. Elle avait choisi à l’origine de l’appeler The Hurting. The Healing. The Loving (la blessure, la guérison et l’amour en français, ndlr), mais elle a pris la décision de le changer afin qu’il reflète mieux son état d’esprit du moment. Elle a mis ce qui l’avait blessée de côté, dit-elle, et poursuit son chemin vers le bonheur. « Ce titre rappelait un épisode de m’a vie qui m’a détruite, et il y a sept mois, je pensais que mon album serait infiniment triste. C’est mon premier, c’est comme un miroir qui me renvoie mon image. Je ne laisserai jamais quiconque m’ayant fait du mal prendre le dessus. Jamais. »

Avec plus de facettes que les albums pop qu’on a l’habitude d’entendre, ce recueil de 11 titres mêle des chansons mid-tempo et des ballades aux accents chaloupés, assortis de paroles semblant tout droit extraites de son journal intime. Le son porte la marque des pointures qui la produisent mais, au gré des riffs entêtants et des mélodies puissantes, ne fait jamais oublier les racines latines de l’artiste. « Je ne voulais pas que toutes les chansons soient calquées sur Havana, je voulais créer la surprise », précise-t-elle avec un sourire. Dès sa sortie, l’album s’est hissé à la première place du Billboard 200 Albums Chart, et sera suivi d’une tournée qui la fera voyager tout 2018. Mais lorsqu’elle rentre chez elle à Miami, vous pouvez la trouver dévorant tous les tomes de Harry Potter ou les épisodes de sa dernière découverte : Sex and the City (elle est née en 1997, on ne peut donc pas vraiment lui en vouloir). « Je veux partir vivre à New York. C’est l’effet Sex and the City ! », s’écrie-t-elle. Mais contrairement à Carrie Bradshaw, Camila est plus Birkenstocks que Manolo Blahnik. « J’adore les Birkenstocks, je n’ai porté que ça pendant toute la période des fêtes. J’aime aussi les costumes masculins », ajoute-t-elle, en faisant référence au style de Michael Jackson, de Prince et de Madonna. « J’aime les vêtements qui me donnent confiance en moi. Même si je me sens bien avec juste un gros pull, sans maquillage et les cheveux décoiffés, de temps en temps ».

“Je pensais que l’album serait triste. Mais je ne laisserai jamais gagner celui qui m’a blessée

Robe Versace.

Si vous lui demandez de choisir entre aller danser dans les boîtes de nuit branchées de Miami ou de sortir avec ses amies proches, la réponse de Cabello fuse : elle se sent toujours comme l’adolescente timide qu’elle était, mais elle veut repousser ses limites. « Ma résolution pour cette année est de vivre plus d’expériences, avoue-t-elle. Je travaille tellement que je ne vois personne pendant longtemps, si bien que je ne sais plus comment communiquer avec les autres ; je me sens nerveuse, avant de prendre sur moi et de me jeter à l’eau. C’est comme ça qu’on réalise que ce n’est pas si difficile, de se dépasser. J’ai longtemps pensé que ma timidité était une fatalité, que j’étais introvertie et que je n’y pouvais rien, mais aujourd’hui je sais que je dois sans cesse me battre contre ça. En général, j’ai peur de rencontrer de nouvelles personnes, et même si c’est un garçon que j’aime bien, j’invente des excuses. Je dois toujours me faire un peu violence. Cependant, même si ça s’avère parfois un peu difficile, ça vaut vraiment le coup ».

Camila est d’ores et déjà dans les bacs. camilacabello.com

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C’était sans aucun doute la journée la plus glaciale depuis des décennies à New York, mais cela n’a pas empêché la chanteuse d’origine cubaine Camila Cabello d’irradier d’une aura langoureuse notre shooting enneigé à Staten Island…

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