Emily la magnifique
Avec
Emily Blunt

Entre sa performance dans Oppenheimer qui lui a valu une nomination aux Oscars, son rôle poignant dans The Smashing Machine ou la reprise de son personnage iconique dans Le Diable s’habille en Prada 2, la star hollywoodienne Emily Blunt est au sommet de son art. Et pourtant, elle reste très terre à terre. Elle discute avec TYLER McCALL d’amitié, de sa famille et des rituels zen qui lui permettent de garder les pieds sur Terre.
Je retrouve Emily au sous-sol du Sip&Guzzle, un bar situé dans le West Village où la star a ses habitudes. Je l’imite et commande une margarita (sans sel et faite avec une excellente tequila), ainsi qu’un « Bikini » : un sandwich au jambon fumé et comté fondu entre deux gaufres néerlandaises. La perfection.
« J’en rêve la nuit. C’est tout simplement divin », s’extasie-t-elle en déchirant un morceau de son sandwich. « John va être vert de jalousie quand il saura que j’en ai mangé un. »
L’actrice est si drôle et accessible que j’ai l’impression de retrouver une amie (une amie nominée aux Oscars qui est en train de tourner le film le plus attendu : Le Diable s’habille en Prada 2). « Évidemment je n’ai pas le droit d’en parler », ronchonne-t-elle pour plaisanter, tout en laissant échapper quelques informations sur la suite du film qui a lancé sa carrière. Et quant à John, il s’agit de l’acteur John Krasinksi, son époux depuis plus de dix ans. La Londonienne vit à New York avec son mari et leurs deux filles.
Si elle fait partie des plus grandes actrices de sa génération, c’est aussi grâce à sa capacité à créer du lien. Qu’elle incarne l’assistante imbuvable du « Diable » en personne ou la femme d’un scientifique qui a changé l’Histoire, comme elle l’a fait dans Oppenheimer, elle parvient toujours à révéler l’humanité de ses personnages afin de donner l’impression au public qu’ils les connaissent vraiment.
« Ces PERSONNES sont toujours vivantes, vous tenez le cœur battant de leur histoire et le portez à l’ÉCRAN. Vous voulez faire les choses bien pour ces gens qui ont déjà TRAVERSÉ de grosses épreuves »
Elle réussit ce tour de magie dans le film à venir The Smashing machine. Emily Blunt y incarne Dawn Saples, la compagne du lutteur et combattant de l’UFC Mark Kerr. L’actrice a déjà incarné des personnes réelles auparavant, mais c’est la première fois qu’elle joue une personne toujours en vie. Mais heureusement, Dawn s’est montrée généreuse avec son temps et, tout comme Emily, elle avait à cœur de créer du lien. « J’ai beaucoup d’empathie pour elle parce que l’addiction est comme une cage, et elle était enfermée dedans avec lui. Je voulais prendre sa défense, elle évoluait dans un milieu très machiste », dit-elle.
À un moment, vous voulez serrer Dawn dans vos bras, et la minute suivante, vous voulez la secouer. Mais chaque scène dépeint une image réaliste et entière d’une femme aux prises d’une relation de codépendance, de l’amour à ses challenges les plus difficiles.
« Jouer quelqu’un qui ne serait pas la version cinématographique de la petite amie était un vrai défi, et cela n’a pas l’air d’être une version cinématographique d’une relation. Vous savez que vous allez devoir ouvrir votre cœur pour une histoire comme celle-ci, et se jeter à l’eau fait peur : est-ce que je vais lui rendre justice ? C’est aussi effrayant de jouer une personne vivante, vous tenez le cœur battant de son histoire et le portez à l’écran. Vous voulez faire les choses bien pour ces gens qui ont déjà traversé de grosses épreuves. »
Par chance, Emily partage l’écran avec Dwayne Johnson, un ami proche depuis longtemps. Tous deux disparaissent derrière leur personnage, Dwayne avec l’aide de prothèses, Emily grâce à des faux ongles et de la lotion bronzante. Si l’expérience s’est avérée gratifiante pour Emily, elle se réjouit deux fois plus pour son coéquipier.
« Je pense que ce rôle a changé sa vie. C’est un homme à qui on n’autorise jamais de disparaître, et c’est amusant pour moi, en tant qu’amie, en tant qu’actrice, de voir quelqu’un découvrir de quoi il est capable », dit-elle en souriant. « J’ai toujours pensé que Dwayne avait en lui une vie d’expériences, de peines, de difficultés, de résilience, de force mentale et une vulnérabilité profonde qui n’a jamais la place de s’exprimer. Ça doit être pesant parfois d’être The Rock, tout le monde pense que ça doit être génial, mais je pense que ça doit aussi être lourd à porter. »
L’une des plus belles scènes de The Smashing Machine est celle où Dawn se retrouve seule dans un Gavitron lors d’une fête foraine, débordante de joie, suspendue sans gravité, libre pour quelques précieuses minutes. Je demande à Emily ce qu’elle a ressenti en tournant la séquence. « J’ai eu la nausée. Les manèges, ce n’est pas mon truc. »
« Je N’AIME PAS les TALONS, alors retourner sur Le Diable s’habille en Prada nous a fait un CHOC à tous »
La prochaine phase de son travail commence : c’est sa première interview au sujet de The Smashing Machine, et le jour suivant notre rencontre, elle doit se rendre à des essayages pour le festival du film de Venise, où le film sera présenté. Elle aime travailler ses looks de tapis rouge suivant un thème, comme ses hommages à Oppenheimer inspirés des années 40.
« J’aime quand les tenues sont emblématiques du film, c’est plus amusant et plus spécifique. Et j’aime raconter une histoire », dit-elle au sujet de ses looks de promotion. « Pour [The Smashing Machine], je voulais apporter une vibe 90’s. C’est une ode à Dawn, ou plutôt à ma version d’elle. »
Au quotidien, Emily a un style décontracté. Elle porte un ensemble en soie avec une veste en jean. « Je me noie dans les vêtements. J’aime les pièces oversize, elles me cachent. Comme un suaire. » Pour sortir, elle ajoutera des bijoux, se maquillera légèrement et ancrera son look avec une paire de baskets. « Je n’aime pas les talons, alors retourner sur Le Diable s’habille en Prada nous a fait un choc à tous. »
J’ose lui demander ce qu’elle a pensé d’enfiler à nouveau les stilettos d’Emily Charlton. « C’était la folie », dit-elle avec un sourire. « C’est tout ce que je dirai. »
Beaucoup de choses ont changé, 20 ans se sont passés depuis le premier film, ce n’est donc pas une surprise. Mais s’il y a bien un changement notable, c’est la présence quasi-permanente de photographes qui capturent chaque look avant même que le film soit terminé. Emily révèle que son expérience n’est pas aussi intense que celle de ses partenaires de jeu « Meryl et Annie » (Meryl Streep et Anne Hathaway), mais elle adopte « l’approche zen » d’Anne pour y faire face. Après tout, cela témoigne de l’impact qu’a eu le film original sur les fans.
« Quand on a fait le premier FILM, personne n’avait imaginé le PHÉNOMÈNE que ce serait et L’IMPACT qu’il aurait sur le public »
« Quand on a fait le premier film, personne n’avait imaginé le phénomène que ce serait et l’impact qu’il aurait sur le public. Comme mon mari disait l’autre jour, cela fait partie de la mémoire nostalgique des gens. Ils le regardent avec leur famille 50, 60 fois, ils le regardant quand leurs parents sont malades, quand ils sont tristes, quand ils traversent une rupture… », dit Emily avec de l’admiration dans la voix. « Bien sûr je rencontre des gens qui citent les répliques du film, mais je ne crois pas avoir réalisé à ce point l’ampleur du phénomène avant d’être retournée sur le tournage. La vache. C’est ce qu’on se dit tous, tous les jours : la vache. »
« [Stanley] n’est pas bon pour mon régime du Diable s’habille en Prada… parce qu’il CUISINE des pâtes et me fait des MARTINIS tous les soirs »
Si Le Diable s’habille en Prada a impacté les fans, il a changé la vie d’Emily. Il l’a établie en tant qu’actrice, mais a aussi fait entrer Stanley Tucci dans sa vie, puisqu’il a épousé sa sœur et lui a offert une nièce et un neveu. « Il fait remonter des émotions bien ancrées pour beaucoup d’entre nous. Ce n’est pas qu’un simple film. »
« Cela dit, ce pas bon pour mon régime du Diable s’habille en Prada … parce que Stanley cuisine des pâtes et me fait des martinis tous les soirs. Il me dit ‘Em, tu veux des pâtes à la tomate ?’, et moi ‘J’aimerais bien, mais je dois porter du Dior aujourd’hui, donc on verra…’ »
Ça doit être étrange d’avoir sa vie personnelle dévoilée au public sans pouvoir rien contrôler, et que des personnes que vous n’avez jamais rencontrées pensent vous connaître. Durant une scène de combat de The Smashing Machine, Dawn dit à Mark « Tu ne connais absolument rien de moi. » Je me demande si c’est une chose à laquelle Emily peut s’identifier.
« C’est ce que je pense à propos de tout le monde. Par exemple, je vous parle mais je ne sais pas de quoi vous avez l’air en survêtement, ou quand vous êtes énervée, ou quand vous avez vos règles. C’est ça que j’aime dans mon travail : pour un moment, on peut lever le voile sur les gens, et leur offrir l’espace pour dévoiler qui ils sont réellement. C’est certain que les personnalités publiques ont été formées à ne pas trop se dévoiler, Et pourtant, je pense que beaucoup de personnes avec qui je travaille ou que je connais ont un profond désir d’être connues, mais il y a cette peur du backlash. C’est difficile de trouver l’équilibre entre vouloir que les gens vous connaissent et aussi la peur que ce soit le cas. »
En parlant d’équilibre, Emily Charlton l’appelle : notre interview a lieu entre une période de congé en famille et le tournage du Diable s’habille en Prada 2, et l’actrice doit retourner sur le plateau. Mais s’il y a bien une chose qu’elle ne compte pas sacrifier, c’est le rituel du coucher avec ses enfants. « Quand mes enfants commenceront à me trouver repoussante, quand Maman ne règnera plus en maître, alors je le ferai, mais je trouve que le coucher est une ancre indispensable. Cette conversation de 10 minutes où ils vous racontent tout… vous ne voulez pas passer à côté. »
The Smashing Machine sortira en salle le 29 octobre.