Cover story

À cœur ouvert

Avec

Robin Wright

L’actrice Robin Wright porte un haut sans manches 3.1 Phillip Lim

Dans la série House of Cards, ROBIN WRIGHT joue l’impitoyable Claire Underwood. Mais dans la vraie vie, il aura fallu 30 ans à l’actrice pour être à l’aise sous l’œil des médias. Elle parle d’égalité, de Wonder Woman et d’épanouissement personnel avec la chanteuse de Garbage, SHIRLEY MANSON.

Photographe Victor DemarchelierRéalisation Tracy Taylor
Cover story

SHIRLEY MANSON : J’ai fait quelques recherches sur toi – je ne suis pas dangereuse, promis ! – et je nous ai trouvé des similitudes : nous avons à peu près le même âge et tu m’as l’air de quelqu’un qui n’a jamais suivi un chemin tout tracé. Tu as dit un jour dans une interview : « Je suis enfin prête à trouver qui je suis. » Tu t’en souviens ?

ROBIN WRIGHT : Non… Oui ! C’est juste, très juste. Je n’ai plus peur de dire ce que je veux vraiment. Tu grandis en pensant “Je vais blesser les autres si je fais ce que j’aime”. C’est seulement plus tard que j’ai réussi à m’assumer, à ne plus avoir honte et à défendre mes choix. Mon corps a désormais une aversion totale des choses que je n’ai plus envie de faire.

SM : Ça me donne la chair de poule ! Cela m’évoque un état de grâce où l’on n’a plus rien à perdre après avoir souffert pendant longtemps, comme si tu avais passé ton baptême du feu, que tu sais que tu peux vaincre. Je te vois sourire… À 51 ans, c’est une délivrance ?

RW : Ça me donne la chair de poule ! Cela m’évoque un état de grâce où l’on n’a plus rien à perdre après avoir souffert pendant longtemps, comme si tu avais passé ton baptême du feu, que tu sais que tu peux vaincre. Je te vois sourire… À 51 ans, c’est une délivrance ?

“C’est plus tard que j’ai réussi à m’assumer, à ne plus avoir honte, à défendre mes choix

SM : Cela est-il lié à ton intégrité personnelle ?

RW : Je ne supporte pas le manque d’harmonie. Cela fait vraiment partie de moi, cela a toujours été le cas mais je n’ai commencé à m’en servir qu’il y a 10 ans. Je n’ai plus l’impression de mentir parce quand tu te mens, cela te paralyse et tu te dis “Je ne vaux rien” ou “Je ne suis pas assez forte pour dire ce que j’ai vraiment sur le cœur”. C’est ce que je pensais, plus jeune.

SM : Tu as travaillé comme mannequin à tes débuts ?

RW : Oui, j’étais fauchée et je voulais rester à Paris. C’était un cauchemar. Tu fais plein de castings, tu lèves ton T-shirt et quelqu’un lâche, “Ses seins ne sont pas assez gros”, et on ne te rappelle pas.

Pantalon By Malene Birger.
Robe et ceinture Loewe.

SM : Tu voulais déjà être actrice à ce moment-là ?

RW : J’avais auditionné avant d’arriver en Europe sans rien obtenir. Comme je faisais de la danse, j’ai tourné quelques pubs où je dansais en tenant des chips…

SM : As-tu rejoins une agence ?

RW : J’ai créé une sorte de book avec des photos où je dansais en body, presque du porno soft. C’était pathétique. À Paris, j’ai passé des auditions avec toutes les agences. On me répondait : “Tu ne seras jamais assez grande pour signer avec Wilhelmina et IMG, tu peux faire de la lingerie ou de la beauté.” De retour chez moi, j’ai enchaîné castings sur castings pour finalement obtenir un rôle dans le feuilleton Santa Barbara.

SM : Pour toi, qu’est-ce que ça signifie d’être actrice ?

RW : J’aime quand les gens se sentent touchés lorsqu’ils voient une peinture ou qu’ils écoutent une chanson. C’est ce que nous voulons. Nous racontons des histoires, nous leur faisons ressentir des choses. Ils pensent, éprouvent, partagent et montrent de l’affection aux autres. C’est un bon sentiment.

SM : Fais-tu attention à ce que tu manges ? Tu as un corps de rêve, j’imagine que tu l’entretiens ?

RW : L’entraînement pour Wonder Woman sortie le 7 juin a changé mon corps. Je n’avais que cinq semaines pour m’entraîner et je n’ai pas pu faire la moitié de ce que les autres filles faisaient car mon corps ne suivait pas. Je suis devenue la maman en chef : “Allez les filles, plus que 15 !” On faisait de l’équitation et on apprenait à galoper avec un arc et une épée.

SM : Sexy ! Tu dois savoir que c’est sexy. Tu t’es sentie forte ?

RW : Carrément ! Attends, en tenue en cuir ? Aucun doute ! On faisait une heure de cheval puis une heure de musculation dans un studio – des courtes séries de poids lourds pour gagner du muscle. On ingurgitait entre 2 000 et 3 000 calories par jour : de l’avoine dans des smoothies avec de l’avocat, du lait entier et de la poudre protéinée, trois fois par jour.

“Quand tu te mens, cela te paralyse et tu te dis ‘Je ne vaux rien’. C’est ce que je pensais, plus jeune

SM : La discipline, ça a l’air d’être ton truc…

RW : Je suis plutôt posée. Je vais boire une bouteille de vin et le lendemain je me mets au vert.

SM : Tes choix de carrière semblent être aussi disciplinés. Même ce que tu as refusé résonne comme tel.

RW : J’ai planifié ma carrière surtout en observant et en voyant le nombre d’actrices qui ont fait un burn out à Hollywood. On les voyait dans tous les films, dans toutes les séries, dans toutes les campagnes beauté. Tu te dis alors : “Je ne sais même pas ce que je pense de cette personne.” Moi, je voyais sur le long terme, je voulais durer.

SM : Ça a été le cas. Est-ce que tu t’imaginais, jeune, devenir une star de cinéma ?

RW : Pas le moins du monde. La célébrité, je ne l’ai jamais voulue, recherchée ou même pensée.

SM : Une fois qu’elle était là, qu’en as-tu fait, qu’as-tu ressenti ?

RW : C’était intimidant. Je ne savais pas quoi faire. J’ai même refusé la couverture de Vanity Fair parce que j’étais trop effrayée de parler de moi. J’étais mariée à Sean Penn et je savais qu’ils n’étaient intéressés que par la couleur de ses sous-vêtements.

SM : Est-ce que tu as regretté de l’avoir refusée ?

RW : Sur le coup, oui. Cela a affecté ma carrière. Si vous ne vous pliez pas aux règles, votre notoriété ne décolle pas, les gens ne veulent pas vous embaucher. J’étais doublement pénalisée car je voulais élever mes enfants. Je ne regrette pas cette décision car j’ai adoré être présente pour eux. Mais je savais que j’avais laissé filer des opportunités.

Robe Isabel Marant ; ceinture Frame.
Chemise The Row.
Robe Esteban Cortazar.

“Si vous ne vous pliez pas aux règles, votre notoriété ne décolle pas, les gens ne vous embauchent pas”

SM : Tu joues dans deux blockbusters, Wonder Woman et Blade Runner 2049 sortie le 4 octobre, et tu as probablement le rôle féminin le plus puissant du moment à la télé Claire Underwood dans _House of Cards._ Tu n’as pas l’impression d’être considérée comme un génie ?

RW : Pas du tout. Je n’imaginais pas que House of Cards aurait ce succès. Je pensais que cela ne tiendrait qu’un an. C’est une équipe de rêve. Kevin Spacey qui joue Francis Underwood et moi n’arrêtons pas de plaisanter. Je riais tellement qu’ils m’ont interdit les mascaras non-waterproof.

SM : Tu aimes Claire ?

RW : Oui, et c’est important. Claire déteste les incompétents mais elle est toujours dans l’action. Il faut trouver du sens et se mettre à la place de son personnage pour l’accepter. Si j’étais Claire, je prendrais sans hésiter les mêmes décisions qu’elle.

SM : Es-tu plus impliquée en politique après avoir joué Claire ?

RW : Je n’y connais absolument rien dans ce domaine.

SM : Es-tu féministe ? Est-ce que tu assumes de dire : “Je crois aux principes féministes.”

RW : Tout à fait. Mais les gens devraient regarder la définition de plus près. Le féminisme, c’est simplement l’égalité.

“Le féminisme, c’est l’égalité. On m’a affirmé que j’avais le même salaire. Mais c’était faux

SM : Tu t’es même battue auprès du studio pour l’égalité salariale ?

RW : Oui. On m’avait dit que j’avais le même salaire que les autres et je les ai crus. Mais j’ai découvert récemment que c’était faux.

SM : Ça me donne des frissons.

RW : Oui, il faut bien enquêter. Claire et Francis sont égaux vis-à-vis de leur pouvoir, de leur union et de leurs manigances. Je n’ai peut-être pas autant de scènes ou de lignes que Francis mais Claire n’a pas besoin de verbaliser autant que lui. Francis est un orateur, un poète, un démonstrateur. Claire est plus dans l’ombre et elle le guide. Mais ils sont alliés, ils sont dans le même bateau.

SM : C’est justement ce qui rend la série si puissante. Craignais-tu d’approcher les studios ?

RW : Pas une seule seconde. C’était la juste chose à faire.

SM : Est-ce que tu aurais fait la même chose dans le passé ou est-ce que c’est ton expérience qui t’a donnée du courage ?

RW : En effet, à l’époque je n’aurais jamais pensé que je le méritais.

SM : Est-ce qu’il y a une chose dans ton travail que les gens ignorent ou dont personne ne parle vraiment ? C’est déjà difficile pour les artistes d’exister dans cette industrie, il y a toujours des sacrifices à faire…

RW : Comme pour cette interview. Ne le prends pas mal mais c’est difficile. C’est le prix à payer.

Robe et débardeur Stella McCartney.
Robe 3.1 Phillip Lim.

SM : Parce que tu as l’impression de devoir dévoiler quelque chose que tu ne veux pas partager ?

RW : Je n’ai pas envie de révéler quoique ce soit. Pourquoi aurait-on besoin de me connaître ? Mon métier est de jouer. Pourquoi en savoir plus ?

SM : Ce qui m’a surpris mais qui était vraiment cool, c’est ce que tu as fait pour le calendrier Pirelli 2017. Qu’est-ce qui t’a décidé ?

RW : Les femmes avec qui j’étais dont Nicole Kidman, Julianne Moore et Helen Mirren. Et le fait que Pirelli ait accepté de mettre de côté les photos qu’ils avaient l’habitude de prendre depuis des années. Ils ont fait un calendrier de qualité sur des femmes fortes.

SM : Après ton travail de réalisatrice avec House of Cards, est-ce que tu souhaites poursuivre dans cette voie ?

RW : C’est désormais mon unique objectif. Je ne veux plus être devant la caméra. Cela m’ennuie. J’apprécie ce que j’ai fait depuis 30 ans mais j’aime aussi regarder et aider les autres acteurs à mûrir. La nuit dernière, j’ai aidé ma fille Dylan Penn à répéter son texte avant une audition pour une série. Je lui ai donné quelques conseils et on a tout de suite vu la différence.

SM : Je pense qu’on peut jouer et réaliser mais jouer doit être mis de côté pendant un certain temps.

RW : Tu sais ce que j’aimerais ? Faire de brèves apparitions dans des rôles complètement barrés. Mon rôle préféré est celui que j’ai eu dans le film She’s So Lovely avec Sean en 1997. Une vraie folle…

SM : En fait, tu n’es pas fatiguée de jouer, tu n’as simplement pas trouvé un rôle qui en vaille la peine, non ?

RW : L’activité de jouer m’ennuie. Je préfère réaliser car ce n’est pas un acte solo, tout le monde se doit de travailler ensemble.

“Claire n’a pas besoin de verbaliser autant que Francis qui est un orateur. Mais ils sont alliés

Robe Chloé.

SM : J’ai l’impression que tu es plutôt bien lotie en ce moment…

RW : Oui, je suis bien où je suis.

SM : Tes enfants sont adultes, tu peux faire tout ce que tu veux.

RW : Oui, j’ai de la chance. Je me le répète tous les jours, aussi parce j’aurais pu avoir 40 ans et n’avoir personne pour m’embaucher. Cela arrive malheureusement à de nombreuses femmes.

SM : As-tu déjà fait du théâtre ?

RW : Non mais j’adorerais jouer dans une pièce.

SM : J’adorerais que tu en fasses.

RW : J’aimerais en faire une mais surtout à Londres en fait.

SM : Parfait ! Faisons tout pour que cela arrive. Robin Wright sur les planches, je paierais pour voir ça !

RW : Et tu ferais la musique ?

SM : Marché conclu !

Les personnes mentionnées dans cet article ne sont pas associées à NET-A-PORTER et n’en assurent pas la promotion, ni celle des produits présentés.