La belle au rebond
Avec
Elsa Hosk

Si elle est aujourd’hui un ange de Victoria’s Secret, il aura fallu presque 30 ans à ELSA HOSK pour se sentir bien dans sa peau. Le top suédois se confie à JANE MULKERRINS sur son passé de garçon manqué, les selfies nus et son naturel, bien loin de son image sexy.
« Parfois, je me vois en photo, et l’image est tellement différente de qui je suis vraiment, commence Elsa Hosk, pensive. Les gens me mettent souvent en scène de façon très sexy et stylisée. » Étant donné que le mannequin fait partie des Anges de Victoria’s Secret, célèbres pour leur plastique divine, on peut comprendre pourquoi.
« Dans ma tête, je ne me sens pas sexy du tout. Je suis plutôt gauche, et complètement normale. » L’Elsa sexy que l’on connaît est selon elle « un personnage que j’incarne. Et ensuite, dans la vraie vie… » Elle fait un geste pour désigner son jean, son pull à capuche, sa veste Levi’s vintage et ses imposantes bottines noires à lacets, qu’elle a ôtées pour replier ses jambes sous elle, sur le canapé. « … Je suis vraiment à l’opposé de ce rôle. »
Nous nous sommes retrouvées sur le rooftop ensoleillé d’un immeuble de Brooklyn, et la jeune femme de 29 ans est fraîche et pleine d’entrain, bien qu’elle vienne juste d’atterrir à New York après un week-end à Coachella.
« Je n’y suis pas allée pour m’amuser, ceci dit. Je travaillais. » En effet, le festival annuel, qui se déroule à l’extérieur de Palm Spring en Californie, laisse maintenant autant de place à la musique qu’à la mode, au marketing et à la publicité. Et les tenues que portaient Hosk (ainsi que ses cheveux roses) étaient partout sur les réseaux sociaux, aux côtés d’autres mannequins tout aussi réputés comme Alessandra Ambrosio, Jasmine Tookes et Sara Sampaio.
« Je n’aime pas particulièrement les festivals, continue-t-elle. Je ne me sens pas à l’aise dans la foule. Cependant, il y a pire comme contraintes de travail. Contrairement à d’autres événements, Coachella est glamour, et personne ne patauge dans la boue, ceux qui peuvent se le permettre louent même des villas dans le désert, à deux pas du site. « Nous avions cette superbe maison près du lac, alors on pouvait faire du ski nautique et des barbecues », confirme Elsa.
”Je ne suis pas sexy du tout. Je suis gauche, et complètement normale. C’est un personnage que j’incarne, l’invers de moi dans la vraie vie”
Demain, elle s’envolera de nouveau pour Los Angeles. « J’adorerais avoir un pied-à-terre là-bas et partager mon temps entre les deux côtes américaines. Mon rêve est d’avoir une maison à Point Doom, au-dessus de Malibu. »
En attendant, sa réalité n’est pas trop insupportable : Hosk vit dans le quartier de SoHo à New York avec son petit ami anglais, Tom Daly, ancien d’Acne Studios, qui dirige à présent la marque de lunettes de soleil District Vision. Elle a passé deux ans à rénover son appartement. Maintenant qu’elle bien installée, son activité préférée est le cocooning. « C’est comme mon petit sanctuaire, et je préfère accueillir mes amis plutôt que de sortir dans les bars. Cela permet d’avoir une connexion différente, vous pouvez juste écouter de la musique et discuter pendant des heures sans personne pour vous déranger. »
L’année dernière, la popularité d’Hosk n’a cessé de grimper en flèche, elle fait régulièrement la une des sites de mode et d’actualités, et compte pas moins de 4,3 millions de followers sur Instagram. « Tout a vraiment explosé ces derniers temps, en termes de followers et de personnes qui me reconnaissent dans la rue. L’autre jour, j’étais assise dans un avion, et un homme s’est penché sur moi et m’a demandé “Vous êtes bien Elsa, l’Ange de Victoria’s Secret ?”. Et je lui ai répondu que non, absolument pas. Quand je suis coiffée et maquillée, en sous-vêtements, oui, mais là pas du tout. » Elle soupire, résignée. « Je suis très secrète, et si je travaille alors tout va bien, mais lorsque ce n’est pas le cas, j’aimerais vraiment pouvoir retourner à l’anonymat. »
Les problèmes d’Elsa avec l’exposition médiatique paraissent un peu contradictoires, étant donné que son compte Instagram regorge de photos d’elle en tenues légères, voire très légères. Sur ce sujet, elle reste de marbre. « J’ai posté un selfie nue, et j’ai reçu un grand nombre de messages de personnes me demandant pourquoi j’avais fait ça et si j’étais sûre de vouloir le garder en ligne. Mais oui, je suis sûre et ce que les autres pensent m’importe peu. C’est mon corps, ce sont mes choix. »
Et si elle est parfois victime d’attaques de trolls (des utilisateurs malveillants lui ont souvent fait le reproche d’être trop maigre), cet en fait le problème de son double. « J’essaye de ne pas les lire, mais si c’est le cas, je me dis que c’est adressé à l’autre Elsa, à ce personnage sur papier glacé, et pas à moi, sourit-elle. » Est-ce que ça ne dérange pas sa famille que des clichés d’elle dénudée soient vus par des milliers d’internautes ? « Ils n’ont jamais fait aucune remarque, donc je n’en ai aucune idée. Parfois ma mère commente “Quelle jolie robe ”, mais en réalité nous n’avons jamais abordé le sujet de la nudité. »
“J’ai posté un selfie nue et j’ai reçu des messages me demandant si j’étais sûre de vouloir le laisser en ligne. Oui. C’est mon corps, mon choix”
C’est peut-être quelque chose de très suédois. Hosk a grandi à Bromma, dans la banlieue de Stockholm, où son père dirige une compagnie d’assurance et où sa mère est infirmière. Elle a un frère et une sœur et, petite, était un « vrai garçon manqué ». « Je me faisais appeler Hampus un nom masculin suédois, mes amis et moi allions faire du skate et toutes sortes d’activités normalement réservées aux garçons. »
Mais, au fil du temps, les intérêts d’Elsa ont changé, et c’est à la mode qu’est allée sa préférence. Cependant, elle ne s’est jamais imaginée mannequin. « Je ne me sentais pas belle », confie-t-elle en remuant sa chevelure rose. « Je n’avais pas une très haute estime de moi quand j’étais plus jeune. » Sur les conseils d’une amie de la famille, mannequin elle-même, son père a envoyé des photos d’elle à une agence de mannequin locale. Elle fut engagée à 13 ans. « J’avais l’impression d’avoir quelque chose qui m’appartenait, que quelque chose avait changé. Et ça a boosté ma confiance en moi. J’ai commencé à bien aimer mon image et qui j’étais en général. »
“Si je vois quelqu’un d’aussi jeune que moi faire ce métier, je pense, “non, rentre chez toi, c’est fou !” Je ne laisserais pas poser ma fille avant ses 18 ans”
Elle a beaucoup travaillé durant son adolescence, enchaînant les allers-retours entre New York et Tokyo, toujours accompagnée par sa mère. « Qui sait ce qui aurait pu m’arriver, si jeune, sans un parent pour m’épauler ? Je lui suis très reconnaissante d’avoir été là pour moi. » Néanmoins, elle trouve à présent choquante cette jeunesse pas comme les autres. « Aujourd’hui, si je rencontre quelqu’un de si jeune faire ce métier, je me dis, “non, rentre à la maison, c’est une folie !” Si j’avais une fille je ne laisserais pas poser avant ses 18 ans. » À l’âge de 20 ans, Hosk a posé ses valises dans la Grosse Pomme. « J’étais un peu perdue au début, admet-elle. Ma carrière ne décollait pas vraiment, et je me demandais ce que je faisais là, je n’avais plus de repères. » Puis elle a passé le casting qui a changé sa vie : Pink, la ligne pour jeunes filles de Victoria’s Secret.
La pression exercée sur les « Anges » pour qu’elles conservent un corps parfait et ferme en toute circonstance, a toujours fait couler beaucoup d’encre. Elsa, heureusement, assure qu’elle peut manger tout ce qu’elle veut et qu’elle est naturellement fine et sportive. Bien longtemps après sa phase tomboy, elle a continué à jouer au basket à un très haut niveau, et même professionnellement pendant quelques années. « Je suis très compétitive, je veux toujours être la meilleure. Mais j’ai dû choisir entre le basket et le mannequinat parce que je voyageais tellement que je n’avais plus le temps de m’entraîner. » Mais le sport lui manque. « Quand je vais voir jouer les New York Knicks, je crie et je saute partout, et je n’ai qu’une envie : courir sur le terrain. » Elle s’est depuis peu mise à la course avec Tom, qui est très adepte des marathons, et admet se préparer beaucoup plus avant chaque défilé pour Victoria’s Secret. Elle assiste à des cours de Pilates, de SoulCycle, de barre au sol et de body pump à Dogpound, le club de sport favori des tops, à Manhattan.
Je lui demande si elle se sent mieux dans son corps à présent, m’attendant à ce qu’elle me dresse une liste des choses qu’elle aimerait améliorer. « Maintenant que j’ai presque 30 ans, j’adore mon corps. C’est un sentiment merveilleux. Personne ne peut me critiquer parce que c’est le mien et qu’il est incroyable. » Mais ça n’a pas toujours été le cas. « En tant que mannequin, vous êtes constamment scrutée, et, avant, j’avais tendance à me comparer aux autres. Je voyais ces filles qui avaient beaucoup de succès et je pensais qu’il fallait que je leur ressemble davantage. J’ai réalisé que le plus important n’était pas d’imiter quelqu’un d’autre, mais d’être soi-même et bien dans sa peau. »
Elle a déjà des projets, autres que le mannequinat, pour établir son propre empire mode. « Mais je ne peux rien vous dire pour le moment ». Elle nous parle de son travail pour Fair Girls, une association qui aide les victimes de trafic humain. C’est le film Seule contre tous, dans lequel Rachel Weisz se bat contre l’esclavage sexuel et le trafic d’êtres humains, qui l’a inspirée. « L’histoire m’a touchée profondément, j’ai donc commencé à me renseigner et j’ai découvert que cette industrie était encore plus importante que l’industrie de la mode. » Basée à Washington DC, l’association vient au secours de victimes de trafic humain, une pratique affreusement courante aux États-Unis, où des jeunes femmes sont kidnappées et vendues comme prostituées. Hosk s’implique énormément dans l’association, participe à des événements et donne généreusement de l’argent. « Une fois que vous avez une plateforme, vous pouvez agir pour de bon. Et c’est ce que je veux faire dans le futur : créer quelque chose qui pourra aider mon prochain. »
Elsa a certainement le corps d’un Ange, mais visiblement le cœur aussi.
NÉO-RÉTRO
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