S’habiller pour les Oscars : les dessous du rituel, par Kate Young

J’AIME ÉNORMÉMENT MON TRAVAIL. J’éprouve un véritable amour pour les vêtements, et je ne parle pas de ceux qui se retrouvent pêle-mêle dans les bacs à soldes, mais bien des robes faites à la main par des gens dont le savoir-faire s’est affirmé au fil des ans. C’est incroyable de pouvoir les toucher et d’assister à leur réalisation, sachant que la moitié des robes des Oscars finit au musée. Et c’est super de travailler avec la fille qui incarne si bien notre époque, et de l’habiller des pièces les plus significatives du moment. Ce mariage entre mode et culture pop est très excitant pour moi.

LES OSCARS SE FONT PLUTÔT SEREINEMENT. La cérémonie marque la fin d’une période de célébrations. Je ne les ai pas tous comptés mais je pense que depuis la sortie de Moi, Tonya, j’ai dû habiller Margot pour 20 tapis rouges, donc il n’y a plus de différences entre nos opinions. On planifie l’ensemble de la saison des récompenses au début, et vers la fin, on a tout fait : pantalon, tailleur-pantalon, robe courte, robe longue, robe scintillante, robe imprimée. On parle de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, on fait attention à ce que ça ne fasse pas trop candide ou trop strict, et qu’elle se reconnaisse toujours dans ce qu’elle porte. Donc, à l’heure des Oscars, on est bien rodées, on maîtrise et il nous tarde qu’arrive le bouquet final.

LA ROBE IDÉALE POUR LES OSCARS devrait être mémorable, un symbole de notre époque. C’est la cérémonie la plus opulente de toutes, donc les bijoux peuvent être plus gros, la robe plus extravagante. Ça vaut aussi pour le Met Ball, à la différence que les Oscars ont un caractère intemporel : si l’actrice remporte le prix du meilleur film, alors son image vivra pour toujours et fera partie de notre culture, les gens choisiront des robes de mariage ou de bal de promo qui s’en inspirent.

ON PRÉVOIT LA ROBE À L’AVANCE, en novembre ou en décembre. Il y a eu des années où j’ai pensé que la robe des Golden Globes était devenue mieux que celle des Oscars, à force de trop analyser. Donc, c’est important pour moi quand je planifie la saison entière de connaître la couleur et la coupe de la robe, pour qu’elle ne porte rien de similaire avant.

ON CHOISIT LE CRÉATEUR INSTINCTIVEMENT. Souvent, c’est le créateur ou la créatrice que je trouve les plus excitants dans le milieu de la mode, et quelqu’un avec qui on a travaillé, avec qui la nature collaborative de notre relation est très positive, ou même juste qu’elle a essayé la robe et que c’était évident. Je veux que ce soit naturel. Il y a réellement un aspect du stylisme des célébrités qui touche au politique et au pouvoir, et je ne pense pas que ce soit mon point fort, ce n’est pas comme ça que je joue le jeu. J’aime faire les choses de façon beaucoup plus intuitive.

LE STYLISME SUR TAPIS ROUGE EST TRÈS COMPÉTITIF. Dès que les nominations sont annoncées, les gens commencent à se réserver une exclusivité de sorte que si je veux un créateur, ce n’est plus possible parce qu’il ou elle a déjà accepté d’habiller quelqu’un d’autre. C’est très différent de quand j’ai commencé et pour être honnête je ne comprends pas bien le système de l’exclusivité, ce n’est pas quelque chose dont je ferai, moi, la demande. L’année où Michelle Williams a porté la robe jaune Vera Wang 2006, Keira Knightley portait aussi du Vera Wang, c’était sans importance. Les créateurs peuvent habiller qui ils veulent – moi ce que je veux, c’est la plus belle robe.

AJUSTER LA ROBE PREND DU TEMPS. Toutes les robes des Oscars sont faites sur mesure, donc il y a une réunion au cours de laquelle on parle du style et où on essaie des échantillons qui existent déjà, ou on parle d’un croquis et on choisit les tissus. Puis il y a l’essayage de la toile et puis, deux ou trois essayages de la robe finale afin qu’on puisse l’ajuster comme il faut. Parfois, elle est terminée un jour avant la cérémonie, d’autres une heure avant, mais cela n’est pas grave. J’ai le luxe de travailler avec les meilleurs créateurs, qui ont les meilleurs ateliers au monde. La couturière de Givenchy est arrivée de Paris en avion et c’est elle qui coud la robe ; je ne m’inquiète pas qu’elle n’aille pas, parce que je sais que c’est la meilleure au monde.

MA ROBE FAVORITE ? C’est comme choisir lequel de mes enfants je préfère. Mon instant tapis rouge préféré est le fruit du travail de quelqu’un d’autre : j’aime Martha Plimpton avec River Phoenix aux Oscars de 1989, c’est le chic absolu.