Un conte de printemps
Avec
Amanda Seyfried

Qu’elle se joue des traditions du mariage, ose le tatouage insolant ou se rebelle contre son publiciste, AMANDA SEYFRIED prouve qu’elle ne se soucie pas des conventions. Vêtue des tenues du soir mystérieuses et glamour du PE19, elle explique à SANJIV BHATTACHARYA pourquoi elle a souhaité s’exprimer sur sa santé mentale.
Personne ne se déplace à pied à Los Angeles, et encore moins les célébrités de premier plan. Mais ce n’est pas cela qui empêche Amanda Seyfried de se rendre à notre entretien, dans un café de quartier situé sur Sunset Boulevard, à pied. Pas de déguisement, ni de maquillage, elle porte juste un jean skinny noir et un T-shirt rouge uni. « Je vis au bout de la rue, explique-t-elle. Et personne ne me dérange, je ne suis pas J.Lo. Tenez, regardez. » Elle me montre une photo sur son portable sur laquelle on peut voir deux mains entrelacées portant des bagues, avec un menu du café Cheebo, où nous nous trouvons, en fond. « C’est moi et Tommy, dit-elle, en référence à son mari, l’acteur Thomas Sadoski. On est venus bruncher ici, après s’être mariés. »Le jour même ?
Et la réception ? « Il n’y en avait pas ! Répond-t-elle avec une satisfaction apparente. On s’est mariés à Topanga, en mars de l’année dernière, juste nous deux. Après quoi, je lui ai demandé : “est-ce qu’on pourrait pas juste aller chez Cheebo ?” C’était super. »
Autrement dit, la star de Mamma Mia!, comédie musicale au succès planétaire qui met en scène un mariage à la grecque grandiloquent, s’est mariée sans grande célébration ?
« C’est justement pour ça ! Je me marie tout le temps. J’étais en robe de mariée pas plus tard que la semaine dernière. » (Elle vient de filmer The Art of Racing in the Rain, une adaptation d’un best-seller américain paru en 2008, à Vancouver.) « Je vais aussi à des avant-premières où les gens me prennent en photo sans arrêt. Ce genre de choses n’a simplement aucune importance pour moi. »
Alors pourquoi se marier ? « Voilà pourquoi. » Un autre cliché, cette fois-ci d’Amanda en robe de mariée à neuf mois de grossesse. « Regardez-moi ce ventre énorme ! C’est dégoûtant ! Mais je tenais vraiment à ce qu’on ait la bague au doigt à l’hôpital. Et si quelque chose venait à arriver ? Et qu’il n’était pas légitimement mon mari ? » Elle a donc acheté une robe chez Free People, puis ils ont sauté le pas. « Mais je n’ai jamais pris la peine de choisir de satanées fleurs ! »
« Je n’ai pas fait de CÉRÉMONIE. Je me marie tout le temps [à l’écran]. J’étais en robe de MARIÉE la semaine dernière. Je me FICHE de tout ça. »
Seyfried, 32 ans, est d’une excellente compagnie : chaleureuse, bavarde, candide. Elle dégage à la fois une certaine exubérance et une pointe de vulnérabilité, ce qui la rend instantanément attachante. Elle irradie de bonheur, et être maman lui va bien : « J’ai certainement envie d’avoir d’autres bébés, peut-être trois ou quatre ? Ou cinq ? » Sur le plan professionnel, elle est en pleine ascension avec trois films sortis cette année : Mamma Mia! Here We Go Again, avec Meryl Streep et Cher un long-métrage de science-fiction dystopien, Anon, avec Clive Owen et Gringo, une comédie déjantée. Qui plus est, Amanda trouve son métier plus facile depuis qu’elle a donné naissance à sa fille. « Je me sens plus forte, affirme-t-elle. Par exemple, je n’hésite pas à dire “Non, je ne peux pas faire ce déplacement presse, j’ai prévu de passer du temps avec ma fille.” Ou “Oh, vous voulez que j’enlève mon haut pour cette scène ? Et si on oubliait l’intégralité de la scène érotique ? Et, non, je ne porterai pas ce string ! ” »
« Je me sens plus FORTE. Je n’hésite pas à dire non. “Oh, vous voulez que j’enlève mon haut pour cette scène ? Et si on OUBLIAIT l’intégralité de la scène érotique ? Et, non, je ne porterai pas ce STRING ! ” »
Comme on ne s’y attend pas avec une star de sa stature, Seyfried ne se donne pas de grands airs. On pourrait presque oublier qu’elle est la vedette de Mean Girls, des Misérables, de Big Love et de Ted 2. Je ne peux pas révéler le nom de son bébé, mais c’est là sa seule concession à la célébrité. Elle est autrement tout à fait des nôtres. La manière dont elle parle d’argent, par exemple, et de son appréciation très terre-à-terre de sa valeur : elle dit qu’elle aime voir l’immobilier se développer dans son quartier parce que « cela fera augmenter la valeur de ma maison » elle convertit son garage en maison d’hôtes pour bénéficier d’une exonération d’impôts – « Non, en réalité, c’est pour ma mère. C’est un peu notre nounou, elle vit avec nous. » et en ce qui concerne ses autres propriétés – un appartement new-yorkais et une ferme à la campagne qui, aux dernières nouvelles, comptait trois chèvres, deux chevaux, deux chevaux miniatures, six poulets, un chat et deux ânes – elle se sent coupable de ne pas les louer.
« Je pourrais en tirer tellement, c’est du gaspillage. » Elle réfléchit un moment : « Je pense que ma relation à l’argent sera toujours étrange parce que j’ai grandi sans. » La plus jeune de deux sœurs, l’actrice a grandi dans la banlieue d’Allentown, en Pennsylvanie. Sa mère était psychologue dans un service psychiatrique et son père pharmacien. C’était une enfance heureuse et, même si elle n’était pas la petite fille la plus facile à vivre (« Maman m’appelait “Demanda” »), elle faisait profil bas à l’école : « je n’étais pas vraiment cool, mais suffisamment pour qu’on me laisse tranquille. »
Mais, en parlant de cool, elle fait, ici, preuve de modestie car à 11 ans, elle faisait déjà du mannequinat et, adolescente, elle apparaissait régulièrement dans une série sur une grande chaîne de télé d’ailleurs, elle prenait le bus pour se rendre au studio à New-York. Elle dit avoir surmonté sa crise d’adolescence assez tôt – à grands renforts d’alcool et de cannabis – et à 17 ans, sa mère la laissa emménager à New-York toute seule dans un appartement sur la 69th Street. Je lui confie qu’à cet âge, je savais à peine me faire cuire un œuf. Elle rétorque : « Vous êtes encore un enfant. Je suis désolée, mais c’est vrai. J’ai dit à mon mari que s’il avait été plus jeune, je ne l’aurais jamais épousé. » Sadoski a 42 ans.
« Mon publiciste m’a dit : “Ne parle pas de ton ANXIÉTÉ” mais j’ai pensé : “Va te faire voir ! Moi, je veux que les gamins qui ont des pensées BIZARRES puissent les partager sans être STIGMATISÉS. Et si cela affecte ma carrière, tant pis. »
Tout ce temps, Seyfried a, néanmoins, souffert d’anxiété en silence. Après Lolita malgré moi, âgée de 19 ans, elle emménage à L.A. et décroche des rôles dans les séries TV Big Love et Veronica Mars. Mais, un jour, sur le trajet du studio elle est atteinte d’une crise de panique. « J’avais le vertige et un mal de tête écrasant, je me suis donc garée sur le bas-côté et ai appelé ma mère : “Je vais mourir !” Je n’arrivais plus à respirer normalement. » Sa mère la rejoint en avion sur le champ et l’emmène voir toutes sortes de spécialistes, jusqu’à ce qu’un psychiatre lui montre une liste de symptômes de TOC. Après cela, elle affirme que : « Ma vie a changé du tout au tout. Je me suis sentie tellement plus en contrôle. » Elle en parlera publiquement immédiatement. « Au début, mon publiciste m’a dit : “Ne parle pas de ton anxiété” mais j’ai pensé : “Va te faire voir ! Moi, je tiens à ce que les gamins qui ont des pensées bizarres puissent les partager sans être stigmatisés. Et si cela affecte ma carrière, tant pis. »
Aujourd’hui, elle prend un traitement contre l’anxiété et décrète aller bien. Sa carrière ne semble pas avoir souffert de ses confessions d’une quelconque façon. À 21 ans, elle tournait dans Mamma Mia! : « C’était incroyable, de travailler avec Meryl Streep. J’adore Dominic [l’acteur Dominic Cooper, avec qui elle partage l’affiche] et mes meilleures amies sont dedans [Rachel McDowall et Ashley Lilley]. » (Elle appelle ses amies « Team Minge » [l’équivalent de « bande de chattes », en français], petit nom affectueux qu’elle s’est fait tatouer sur le pied). Le tournage ayant lieu en Grèce, toute la distribution faisait des fêtes sur la plage. Plus tard, le film s’est avéré un tel hit que sa côte de popularité, est ses cachets, ont grimpé en flèche.
« [Celui qui est à présent mon mari] n’avait jamais ni FLIRTÉ avec moi, ni manqué de respect à sa femme. C’est une des RAISONS pour lesquelles je me suis mariée avec lui. On peut raconter notre histoire sans aucune CULPABILITÉ. »
Sa vie personnelle, en revanche, était assez chaotique. Pendant quelques années, Seyfried est sortie avec Cooper, puis Desmond Harrington (Dexter) et Justin Long (Même pas mal !, Ce que pensent les hommes). Quand elle rencontre Sadoski – pour jouer dans une pièce de théâtre où ils sont les deux seuls et uniques acteurs – tous deux se trouvent dans de « mauvaises relations ». Ils se lient d’abord d’amitié. Quand elle souffre de crises de panique sur scène, il la soutient. Mais c’est tout. Sadoski, remarque-t-elle « n’avait jamais ni flirté avec moi, ni manqué de respect à sa femme. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai plus tard pensé que je pourrais me marier avec lui. » Une fois que les relations amoureuses de l’un et de l’autre se sont terminées, Seyfried suggère Sadoski pour jouer le rôle de Robin Sands (l’objet de son affection) dans Adorables ennemies, aux côtés de Shirley MacLaine, et c’est là que l’amour entre les deux acteurs grandit. « C’était fabuleux. Cela me paraissait sain, pur et libérateur. On peut raconter notre histoire sans aucune culpabilité. »
« C’est fou, parce qu’à cette époque-là je n’étais qu’une ENFANT, donc MERYL était plus maternelle. Mais, maintenant, on se comprend en tant que MÈRES. »
MacLaine fait partie des quelques légendes du cinéma avec qui elle a eu l’occasion de travailler. Dans Mamma Mia! Here We Go Again, Cher joue sa grand-mère (« On s’attend à ce qu’elle soit hyper sûre d’elle, mais elle est nerveuse, elle aussi ! ») et elle et Meryl Streep y sont réunies, dix ans après le premier film : « C’est fou, parce qu’à cette époque-là je n’étais qu’une enfant, donc Meryl était plus maternelle. Mais, maintenant, j’ai un enfant, donc on se comprend en tant que mères. »
Cette fois-ci, cela dit, moins de fêtes au programme lors du tournage du film en Croatie. Amanda était accompagnée de son bébé et, pendant le tournage, l’affaire Weinstein éclata au grand jour. Le plateau était sous le choc de nouvelles révélations quotidiennement. « On commence à penser à tous les types qui ont une réputation et on se demande : est-ce que ce sera lui le prochain ? J’ai eu de la chance. Je n’ai été confrontée à aucune des choses auxquelles l’ont été mes pairs. Certaines personnes m’ont bien tapé sur les nerfs, ceci dit. »
Si elle avait une histoire similaire, Seyfried n’hésiterait pas en parler. Elle n’a pas peur de faire entendre sa voix, comme l’atteste son Instagram, où elle épingle la question du contrôle des armes à feu, des armes nucléaires et de la protection des animaux – des chiens en particulier, son propre chien Finn faisant de fréquentes apparitions dans son fil.
La fin de notre entretien approche, mais il nous reste encore tellement de choses à discuter. Ses hobbies, par exemple : le crochet, le tricot et le commissionnement de taxidermie. Quand je lui demande ce qu’elle attend de plus de la vie aujourd’hui, elle répond : « Apprendre à signer. Plus d’alpacas pour la ferme. Oh, et je suis obsédée par la création de plantes en papier. »
J’ignore complètement de quoi elle veut parler. Donc, avant de nous séparer sur Sunset Boulevard, elle m’explique brièvement : « Vous achetez un cutter numérique et vous créez des patrons, c’est génial. » Et puis elle s’en retourne chez elle à pied, comme tout le monde, ou presque, puisqu’à mille lieues de la norme hollywoodienne.
Mamma Mia! Here We Go Again, sortie prévue en France le 25 juillet.
Loin des standards
Amanda Seyfried pousse la chansonnette dans Mamma Mia! et Les Misérables, mais comment a-t-elle attrapé le virus de la musique ? Lancez la vidéo pour la voir raconter sa première audition, et savoir ce que son chien pense de ses vocalises.
Les personnes mentionnées dans cet article ne sont pas associées à NET-A-PORTER et n’en assurent pas la promotion, ni celle des produits présentés.