Appâts de velours
Avec
Birgit Kos

Cette saison, la lingerie se porte au grand jour, pour des tenues teintées de sensualité. Elle s’arbore de façons inattendues, par exemple avec du cuir ou sous un costume, pour une féminité qui s’assume et qui respire la confiance en soi. Le secret pour devenir la reine de la robe-nuisette, du soutien-gorge apparent et des petits hauts transparents ? Le mix and match, comme vous l’explique GILLIAN BRETT.
Les collections automne-hiver 2019 marquent les toutes dernières tendances de la décennie. Des années qui ont fait la part belle aux tailleurs aux pleins pouvoirs, aux robes du soir extravagantes et à la tendance bourgeoise 70’s, et qui a également susurré le retour d’une esthétique pleine de douceur. Si la mode était un arbre, son tronc serait romantique, ses racines minimalistes, et son feuillage ultra-féminin. Une esthétique définie par du velours texturé, de la dentelle fine et des tissus transparents déclinés dans une palette noire et blanche simplissime, et des silhouettes fluides qui sont une ode à la beauté et à la légèreté. Le résultat ? Un jeu de séduction digne des plus grandes histoires d’amour. À Paris, Jonathan Anderson de Loewe a révélé son « interprétation du désir » sous forme de chemises à manches bouffantes et d’une robe ample en dentelle transparente à ourlet en soie noire. Dans la capitale anglaise, Erdem a parlé de « vêtements qui suggèrent une forme d’intimité » dans son offre automnale au romantisme ténébreux, tandis que la marque à la féminité puissante de Christopher Kane exhalait « l’opulence et le défi ».
À New York, le pouvoir a été réhabilité par Khaite dont les trenchs en cuir souple et les blouses en coton à manches bouffantes étaient empreints d’une originalité maîtrisée, surtout lorsqu’ils étaient tempérés sur le podium par des jeans effet vieilli. « Ces temps-ci, les femmes ont besoin d’une voix célébrant la force féminine », a déclaré Catherine Holstein à propos de son premier défilé baptisé La Nouvelle Frontière et dédié au mouvement des suffragettes. Sa marque répond indéniablement aux besoins des femmes d’aujourd’hui : un uniforme quotidien qui respire la force sans pour autant restreindre, ni compter sur les codes du vestiaire masculin. Même ses tuniques en satin fluide et ses robes du soir en tulle aussi légères que l’air dessinent une silhouette pleine d’assurance.
« Je voulais que mon premier défilé rende hommage aux FEMMES qui m’ont inspirée, et grâce auxquelles j’ai suivi ma PROPRE voie. Elles m’ont donné la force de ne pas regarder en arrière et tout remettre en QUESTION »
Catherine Holstein de Khaite
« La robe CUPCAKE me procure énormément de JOIE. Le contraste du blanc puritain et de la dentelle noire est ÉPOUSTOUFLANT »
Christopher Kane
Holstein réinterprète sa robe Beth, un modèle d’équilibre parfait entre décontraction et glamour assumé, et apporte un esprit cool à son encolure en cœur grâce à un décolleté délicatement structuré et allongé, ainsi qu’à des manches effleurant les doigts. Notez que cette encolure sera encore incontournable la saison prochaine. Choisissez des modèles soulignant les salières et dévoilant légèrement les épaules, comme chez Bottega Veneta. Si cela vous semble trop audacieux, inspirez-vous de la styliste Natasha Royt qui a glissé un soutien-gorge en dentelle sous une robe Khaite lors d’un shooting pour PORTER, puis ajouté un collier rivière de diamants afin d’attirer le regard vers le haut. Le soir venu, optez pour un esprit 90’s et enfilez une robe-nuisette en soie à finitions en dentelle (à ourlet midi ou long) sous un trench en cuir long (celui de Khaite est doublé de soie pour plus de confort, et sa ceinture définit sa silhouette ample), et terminez par une paire de sandales ou de bottines à bout carré et à talon moyen.
Christopher Kane a un jour dit « J’aime qu’à la fin de mes défilés les femmes se sentent plus fortes », et lorsque le mannequin français Aurore Franche a foulé le podium dans le look n°52, une robe très courte composée d’une jupe en satin duchesse et d’un body échancré en dentelle noire, et des bottines noires, elle incarnait parfaitement la muse toute-puissante du créateur. « Les robes féminines m’apportent beaucoup de joie », dit-il. « Le contraste entre le satin blanc virginal et la lingerie noire séduisante est saisissant. » En ajoutant des détails détonants et en composant des looks inattendus, il n’essaie pas d’atténuer l’esprit girly ou coquet de ses pièces, mais bien au contraire de révéler les différents aspects de la féminité. Christopher Kane attribue le mérite à Tammy, sa sœur, son bras droit, et la co-fondatrice de la marque, qui sait comment les femmes veulent vraiment s’habiller aujourd’hui : « J’ai beaucoup de chance de travailler avec Tammy qui m’apporte une voix féminine dans tout ce que j’entreprends. »
« On adore DÉCONSTRUIRE les éléments traditionnels, alors nous avons placé les empiècements de manière très naturelle… Pour traduire la SENSUALITÉ par quelque chose de PUISSANT et qui donne confiance en soi »
Marques’ Almeida
Quant au créateur Erdem Moralioglu, féru d’Histoire, il raconte à chaque saison une nouvelle histoire sur ses muses courageuses et déterminées, à travers des icônes magnifiques et raffinées. Pour l’AH19, c’est la défunte princesse italienne Orietta Doria Pamphilj qui a retenu son attention. En effet, lors d’un voyage à Rome, alors qu’il « flânait dans le palais aux mille pièces de la Via del Corso » appartenant à sa famille (qui possède l’une des plus grandes collections d’art au monde), il s’est entretenu avec Jonathan, le fils adoptif de la princesse. Il lui a raconté que lorsque cette dernière a appris son infertilité, il a été attendu d’elle qu’elle entre au couvent. Au lieu de quoi elle est partie à Londres dans les années 60 puis a adopté Jonathan et sa sœur, Gesine. « Elle était extraordinaire ; elle était totalement impliquée dans la préservation et la survie du palais [après la mort de son père], ce que j’ai trouvé très inspirant. »
À partir de portraits d’Orietta Doria Pamphilj vêtue de « cardigans sur ses épaules et de tenues élégantes », Erdem Moralioglu a créé une collection riche en ornements, qui allie la splendeur patricienne à la créativité du mouvement Youthquake des sixties. Le look n° 26 est composé d’une jupe crayon taille haute en satin noir agrémentée d’empiècements en dentelle transparente à sequins qui dévoilent le haut de la jambe, et de nœuds en velours noirs qui semblent tomber de l’ourlet en cascade. Lors du défilé, cette pièce était portée avec un cardigan sage dont seuls les premiers boutons étaient attachés afin de dévoiler la blouse en dentelle noire en dessous. Le résultat ? Une tenue à la fois suggestive et élégante. « J’estime que l’idée de la délicatesse de la dentelle, ou le tombé du satin, ou l’idée d’apercevoir un élément qui n’est pas censé être visible, est extrêmement forte », explique le créateur.
Afin d’ancrer les robes-nuisettes, les soutiens-gorge et les tissus transparents propres à la garde-robe boudoir dans le quotidien, il est crucial d’intégrer des éléments antagoniques pour plus d’équilibre, comme le prouvent Khaite, Erdem et Christopher Kane. « Il y a quelque chose de très moderne dans l’association d’un pull en cachemire et d’une robe-nuisette », confirme Erdem Moralioglu. « Un sens de la simplicité. » Une vérité qui s’applique également aux duos blouse transparente + soutien-gorge en soie, caraco en dentelle + jean, ou encore robe-nuisette + rangers, et une esthétique au cœur de la marque des designers portugais Marta Marques et Paulo Almeida, qui misent sur la sobriété et l’élégance décontractée propre aux années 90.
Pour la saison automne-hiver 2019, le label, réputé pour ses jeans effet vieilli et son streetwear remarquable, a souhaité dessiner une robe-nuisette noire et blanche aussi cool qu’élégante : « Nous aimons par-dessus tout déstructurer les éléments traditionnels, donc nous avons positionné les empiècements en dentelle à la main de façon naturelle. Il s’agit d’une pièce ultra-féminine exprimant du défi. » Ces deux créateurs, en couple à la ville, imaginent cette robe portée avec une tenue et dans un contexte inattendus, « avec un jean très large ou un pull oversize androgyne », et trouvent ce contraste encourageant « car il empreint la sensualité de confiance en soi ».
L’avantage de ce look ? Il ne passera jamais de mode. Naturellement, les sous-vêtements sont indispensables tout au long de l’année, mais ceux que l’on souhaite dévoiler sont plutôt des modèles particuliers. La lingerie somptueuse permet en effet des superpositions infinies, et une intensité de glamour modulable. Un aperçu du PE20 laisse deviner que les notions de romance et de sensualité sont bien parties pour durer : des soutiens-gorge à cristaux enfilés par-dessus des robes chez JW Anderson, et des jupes longues en dentelle accompagnées (uniquement) de soutiens-gorge chez Loewe. Portez ces tendances dès à présent en optant pour une jolie brassière et une jupe longue sage, comme celle en velours d’Alaïa dont les plis légers créent un volume et équilibrent la silhouette. Les tendances de l’automne perdurant jusqu’à l’été prochain, ce sont des pièces à adopter aujourd’hui et à chérir très longtemps.
« J’estime que l’idée de la délicatesse de la DENTELLE, ou le tombé du satin, ou l’idée D’APERCEVOIR un élément qui n’est pas censé être visible, est extrêmement FORTE »
Erdem Moralioglu
Le mannequin figurant dans cet article n’est pas associé à NET-A-PORTER et n’en assure pas la promotion, ni celle des produits présentés.