Cover story

Rêve hollywoodien

Avec

Laura Harrier

Du film BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan de Spike Lee récompensé aux Oscars à la nouvelle série Hollywood produite par Ryan Murphy, l’actrice LAURA HARRIER se construit une carrière impressionnante en travaillant avec les meilleurs et en apprenant d’eux. Elle raconte à ALICE CASELY-HAYFORD son expérience de confinement, ayant dû troquer les tapis rouges contre les appels Zoom, et parle de son désir de garder une part de mystère et de ses amies célèbres qui l’aident à naviguer dans la gloire.

Photographe Sonia SzóstakRéalisation Danielle Goldberg at The Wall Group
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Cette photo : haut Alaïa ; jupe Loewe. Photo d'ouverture : haut de bikini Matteau.

Laura Harrier hésite entre s’installer dans son jardin et son salon, son ordinateur portable en équilibre instable dans une main, pour pouvoir discuter de son rôle dans Hollywood sans être interrompue pendant notre interview. Notre vidéoconférence sur Zoom avec une connexion internet peu fiable est bien loin du glamour dépeint dans la série Netflix, consacrée à des apprentis-comédiens dans le Los Angeles des années 40, et des conférences de presse et événements chic où l’actrice a l’habitude de se rendre. « C’est une expérience tellement étrange, quand on pense à comment les choses devraient se dérouler normalement. Je fais la promotion du projet toute seule à la maison, assise sur mon canapé. Évidemment, c’est nécessaire et important, mais l’aspect fun me manque… M’habiller, rencontrer du monde, visiter des villes différentes et faire la promotion d’un projet sur lequel on a travaillé si dur. »

Huit semaines après le début du confinement, l’actrice a pu passer beaucoup de temps à réfléchir, à repenser son emploi du temps habituellement surchargé et à s’habituer à la nouvelle normalité. « J’ai appris que j’avais vraiment du mal à rester seule ! Je suis toujours entourée de gens, donc peut-être que c’est une bonne opportunité pour faire une introspection et lever le frein. Normalement je suis toujours en vadrouille, à voyager, à travailler… Je suis rarement à la maison. Je n’étais jamais restée à Los Angeles aussi longtemps de toute ma vie ! »

« Je voudrais atteindre certains buts, mais c’est une sensation très étrange quand tout est en pause »

Robe Simone Rocha ; sandales Co.

Comme beaucoup d’entre nous, Laura a passé énormément de temps à faire des appels vidéo, pour le travail ou pour le plaisir, comme à l’occasion de son 30ème anniversaire qu’elle a fêté en organisant une fête virtuelle. « Je me suis d’ailleurs offert une robe sur NET-A-PORTER [une sublime mini rouge et fuchsia Solace London]. C’était une soirée Zoom habillée, et j’ai aimé avoir cette journée spéciale, où nous avons fait un effort plutôt que de rester en jogging, et avoir l’impression que la vie était un peu normale. »

Quel effet cela produit-il de commencer une nouvelle décennie en confinement ? « Je pensais qu’à 30 ans tout allait changer, mais finalement, je me sens un peu pareille », dit-elle, songeuse. « Je voudrais atteindre certains buts, mais c’est une sensation très étrange quand tout est en pause. Je soufflerai de nouveau mes 30 bougies l’année prochaine. 31 ? Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler… »

« Être une femme noire est une chose merveilleuse et cela créer un lien entre nous, mais je n’ai jamais voulu dire que ma vie était la même que celle de quelqu’un d’autre »

Chemise et jupe Simone Rocha.

Le casting de la série Hollywood, lancée le 1er mai, laisse rêveur : les pointures Patti LuPone, Holland Taylor et Dylan McDermott côtoient la nouvelle génération de stars, dont David Corenswet, Jeremy Pope, Samara Weaving, et bien sûr Laura Harrier, qui incarne Camille Washington, une jeune actrice noire cantonnée aux petits rôles jusqu’à ce que les grands de l’industrie décident de lui offrir un premier rôle.

Chemise et jupe Simone Rocha ; sandales Proenza Schouler + Birkenstock.

Son créateur, Ryan Murphy (l’homme derrière Nip/Tuck, Glee, American Horror Story et The Politician) aurait signé avec Netflix le plus gros contrat jamais signé dans l’industrie de la télévision (300 millions de dollars, selon les rumeurs). Laura avait à cœur de travailler avec lui, qui est l’un des auteurs les plus populaires et influents du milieu. « Peu importe ce qu’il voulait faire, j’aurais voulu en être », avoue-t-elle. « J’admire son travail depuis longtemps, j’ai beaucoup aimé Pose avec Darren [Criss], l’OJ show… C’est quelqu’un de très important dans le monde du cinéma et de la télé, il agit pour plus de représentation à l’écran depuis longtemps. Il a toujours casté des acteurs très variés, des gens de couleur, des hommes et des femmes membres de la communauté LGBTQ. Il leur donne beaucoup d’opportunités, et utilise son pouvoir pour tirer les autres vers le haut. »

Pendant le tournage, Laura s’est rapprochée de l’auteure, réalisatrice et productrice Janet Mock. « Elle est si intelligente, elle a une vision très claire de ce qu’elle veut. Cela ne fait que quelques années qu’elle est passée derrière la caméra mais elle est si à l’aise dans ce rôle… C’est une véritable artiste. Tous les réalisateurs de la série sont extraordinaires, mais j’ai eu une connexion spéciale avec Janet à un niveau différent. Être une femme noire qui sait ce que c’est que l’adversité… Elle a fait face à tant d’obstacles et les a surmontés avec succès, et c’est exactement ce que Camille doit traverser. Nous étions en train de parler des combats de Camille, et la conversation aurait été plus difficile avec un autre réalisateur. »

« J’essaye de ne pas mettre ma vie privée en avant. Il y a des choses qui sont sacrées et qui sont si importantes »

Haut de bikini et jupe Matteau.

Je lui demande si, en tant que femme métisse avec une large audience, elle se sent parfois frustrée d’être étiquetée porte-parole ou activiste, simplement parce qu’elle aborde des sujets qui la passionnent. « Être une femme noire est une chose merveilleuse et cela créer un lien entre nous, mais je n’ai jamais voulu dire que ma vie était la même que celle de quelqu’un d’autre. Je trouve toujours un peu bizarre qu’on me demande ce que ça fait d’être une femme noire à Hollywood. Je ne sais pas ce que c’est d’être autre chose qu’une femme noire à Hollywood ! Je peux vous dire ce que cela représente pour moi, Laura, Mais je ne veux parler pour personne d’autre. Je veux être un exemple et soutenir ma communauté, et je veux la représenter. Il y avait si peu de femmes à l’écran sur qui je pouvais prendre exemple en grandissant, et avec qui je me sentais connectée. Si je peux faire cela pour certaines filles, alors je serai heureuse et j’aurai l’impression d’avoir bien fait mon travail. »

Robe Alexander McQueen ; barrette Sophie Buhai.
Robe Alexander McQueen ; barrette Sophie Buhai.

Laura souhaite aussi garder une certaine part de mystère et préserver sa vie privée. « Je fais attention sur les réseaux sociaux et ne partage que peu de choses personnelles. C’est amusant parce que soudain, il y a des gens dans ma maison en permanence [en appels vidéo] et je fais des shootings photo sur mon canapé. Je n’aurais jamais pensé laisser entrer le monde chez moi. C’est effrayant quand j’y pense, mais nous n’avons pas d’autre option en ce moment et je veux faire la promotion de ma série.

« J’essaye de ne pas mettre ma vie privée en avant. Il y a des choses qui sont sacrées et qui sont si importantes », dit-elle au sujet de son petit ami, le basketteur Klay Thompson.

Après un passage dans le milieu du mannequinat, un rôle dans On ne vit qu'une fois et des rôles signifiants dans le film Spider-Man: Homecoming et dans BlacKkKlansman de Spike Lee ont fait de Laura Harrier une étoile montante. « Après mes essais pour Spiderman, j’ai entendu dire que Zendaya jouerais dedans, donc je pensais que je n’avais pas eu le rôle », se souvient-elle à propos de son audition pour incarner Liz, l’amour secret de Peter Parker. « J’ai appelé mes agents et ils m’ont dit que j’étais toujours dans la course. Je pensais que c’était fabuleux que Marvel nous offre un rôle à toutes les deux et que cela ne tournait pas autour du fait que nous soyons noires. Nous ne sommes que deux filles ayant été à l’école à New York, et c’est ce à quoi New York ressemble. Un film devrait refléter cela. Zendaya et moi sommes amies et je suis vraiment reconnaissante. »

Robe Ninety Percent ; bandeau Sophie Buhai.

« Des amies comme Zendaya, Yara [Shahidi], Alycia Debnam-Carey… Tout cela serait bien plus effrayant si je ne les avais pas à mes côtés »

Robe Molly Goddard ; bandeau Sophie Buhai.

Les amies qu’elle s’est fait le long du chemin, comme Zendaya, l’ont beaucoup aidée à appréhender sa nouvelle vie sous le feu des projecteurs. « C’est très important d’avoir cette communauté dans une industrie où l’on peut se sentir isolé. [La musicienne Kilo] Kish et moi sommes amies depuis plus de 10 ans, on s’est connues après qu’on ait toutes les deux déménagé à New York. Elle travaillait à l’accueil du salon où j’allais me faire couper les cheveux. On était de vraies fêtardes, nous sommes devenues très proches. Si on nous avait dit à l’époque que nos vies deviendraient ce qu’elles sont… Qu’on aurait ces opportunités incroyables et qu’on serait toujours amies. Je suis très reconnaissante d’avoir des amies comme ça, qui ont vécu la même chose que moi et qui comprennent les bizarreries du métier. Des amies comme Zendaya, Yara [Shahidi], Alycia Debnam-Carey… Tout cela serait bien plus effrayant si je ne les avais pas à mes côtés. »

Débardeur The Range ; pantalon Nili Lotan ; boucles d'oreilles Sophie Buhai.

Une amie et muse de nombreuses maisons de couture, Laura Harrier possède un sens du style inné. Mais si elle a un goût certain pour les fabuleuses tenues de tapis rouges, comment a-t-elle appréhendé la mode en grandissant à Chicago ? « Je lisais des magazines et observais ce milieu si glamour et beau, tellement loin de ma réalité, mais étrangement je m’y sentais connectée. J’allais sur Style.com pour me tenir au fait des tendances et je me souviens que j’admirais les tenues Balenciaga et tout ce que Nicolas [Ghesquière] faisait… Je pense que je ne connaissais même pas son nom à l’époque, j’étais trop jeune, mais je me souviens que je trouvais tout cela tellement cool. C’est étrange à présent de le connaître, et qu’il fasse des vêtements spécialement pour moi. »

Si les tournages, les tapis rouges et les promotions sont en stand-by pour le moment, cela n’a pas empêché Laura de faire des projets. « Je ne veux rien dire pour le moment parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver, mais j’ai envie d’étendre mon éventail. Je veux jouer dans une comédie romantique, dans un film d’action, dans un thriller… J’ai eu tellement de chance de jouer dans un film avec beaucoup d’action et un blockbuster, puis quelque chose comme BlacKkKlansman et ensuite une série. Je n’ai jamais voulu jouer dans une seule cour. C’est comme ça que je choisis mes projets… Je veux constamment repousser mes propres limites. »

Hollywood est disponible sur Netflix.

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