Cover story

L’Agent star

Avec

Gillian Anderson

L’actrice Gillian Anderson porte une robe T by Alexander Wang

Le retour de X-Files marque celui de GILLIAN ANDERSON dans la peau de Scully. L’actrice parle à JENNIFER DICKINSON de l’alchimie entre elle et David Duchovny et de cette attraction qu’elle exerce sur le public.

Photographe Nico BustosRéalisation Charlotte Blazeby
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Une question : qu’est-ce que va bien porter l’agent du FBI Dana Scully, ou, plutôt, qu’éviterait-elle de mettre ? Gillian Anderson connaît la réponse. C’est d’ailleurs un de ses traits – savoir ce qui est important et – lorsqu’il s’agit de travail. En atteste son implication dès le début du tournage des nouveaux épisodes de la série culte des années 90 (et au-delà) X-Files, diffusé sur la chaîne américaine Fox à partir du 24 janvier.

« La costumière a choisi des tenues qui seraient certes intéressantes de voir sur Scully, car elles apportent quelque chose en plus, dit-elle. Mais ce n'est pas ce genre de femme. C’est quelqu’un qui s’habille très simplement, allant à l’essentiel. Les dernières saisons l’ont vue en cuir, ce qui ne lui ressemblait pas. Ses tailleurs sont très basiques. Il y a un épisode en particulier, dans lequel son style est assez casual ; mais n’imaginez pas de jeans, c’est pas son truc. Pour elle, c’est confort et facilité, un pull col V et voilà. »

Scully s’habille simplement. Les dernières saisons l’ont vue en cuir, ça n’était pas elle”

Le dressing de l’agent Scully est un sujet sérieux pour l’actrice de 47 ans, née à Chicago et qui a grandi entre l’Angleterre et les États-Unis. Toute question qui lui est posée est d’ailleurs considérée avec beaucoup d’attention et accompagnée d’un sourcil levé – vacillant entre perplexité et concentration –, avant de répondre. Sans surprise, voici une femme très intelligente, qui peut même vous déstabiliser, et franche, bien que dans la retenue.

Robe Victoria Beckham.
Pull Donna Karan New York ; jupe Chloé.

Son intelligence me semble être ce qui lui vaut tant l’admiration des femmes. Elle a beau ne pas figurer sur beaucoup de couvertures de magazines ou faire parler d’elle dans les médias, elle n’en reste pas moins spéciale, son nom seul créant l’effervescence chez les fans. D’où cela peut-il venir ? « J’aime les femmes et les soutiens, répond-elle. Je leur dis quand elles sont belles, tout comme je fais l’éloge d’autres actrices quand leur travail m’impressionne… C’est certainement pour ça qu’elles sont à l’aise avec moi. En plus, je suis loin d’être parfaite : j’ai les cuisses molles, je prends de l’âge et suis vraiment petite. L’obsession que notre société a avec la gym, les régimes et tous ces trucs, j’avoue, je ne suis pas un exemple non plus. Et cette honnêteté m’a l’air d’être appréciée. »

Elle observe que la parité au sein de ses fans a évolué ces dernières années, et ce à cause d’un personnage : le détective Stella Gibson de la série The Fall. « J’ai participé à l’une des conventions de Comic Con peu longtemps après la deuxième saison, et lors d’une séance photo, il y avait une queue interminable d’hommes, chose que je n’avais jamais vue auparavant. Pour les femmes, c’est le côté humain et à part de mon rôle qui les touchent ; pour les messieurs, ce jour-là en tout cas, c’était son sex appeal qui les a mis en émois. »

Le rôle principal, celui de Stella Gibson, dans la série de la BBC The Fall est une perle rare pour une actrice. Ce thriller bien ficelé est à voir absolument. Gillian y incarne une détective envoyée à Belfast pour traquer un tueur en série, joué par Jamie Dornan, vu dans Cinquante nuances de Grey (étrangement plus séduisant en meurtrier). Mais ici, c’est elle le sex-symbol. Audacieux, incisif et déroutant, son personnage a fait couler de l’encre dès le premier épisode dans lequel elle fait des avances à un jeune policier sur les lieux d’un crime. À la vue des nombreuses interviews sur le sujet et des remous causés dans la presse, il est clair que Gillian en a suffisamment parlé. « J’ai pensé : "On est en 2015, vous plaisantez ?”. Le fait même qu’on me pose la question, que ce soit la chose la plus croustillante qu’on ait jamais vue, et bien, ça me fait bondir ! Alors que c’est monnaie courante de voir un gars faire la même chose à une femme tous les jours. Mais ce qui choque, c’est que ça n’a pas été fait discrètement par e-mail ou par téléphone ; elle était là, devant lui, à lui dire : “Tu me plais, on y va ?” »

Haut Roland Mouret.
Robe Victoria Beckham.

“Ce qui choque, c’est que ça n’a pas été fait discrètement ; elle lui disait : ‘Tu me plais, on y va ?”

L’actrice avait 44 ans lorsqu’elle s’est glissée dans la peau de Stella Gibson, l’un des meilleurs rôles de sa carrière. « Je sentais qu’elle était unique et que les gens l’aimeraient, surtout les femmes, à qui elle fait honneur. »

On ne peut certainement pas faire la comparaison avec Scully, le personnage qui l’a propulsée au rang de star mondiale vingt ans auparavant. « Je n’ai pas le besoin de l’interpréter de la même façon que je le fais avec Stella ou Blanche Dubois (dans la pièce Un tramway nommé Désir jouée à Londres en 2014, pour laquelle elle a été récompensée maintes fois). D’abord, elle n’est pas aussi complexe, et puis le public se rend bien compte que l’intrigue est ailleurs, et, en tant qu’actrice, ce n’est pas un rôle aussi intense. Mais c’est un personnage extraordinaire que j’ai eu la chance de jouer et, qui plus est, qui a marqué les esprits dans le monde de la télé ; X-Files c’est une formule qui a marché, avec ses propres composantes, et rien de tel n’a été réitéré depuis. »

Sans surprise, l’annonce du retour de la série a créé l’événement. Ce n’est pas l’envie de continuer l’aventure qui manquait, explique Gillian, mais elle et d’autres membres de l’équipe, dont son partenaire David Duchovny, n’avaient ni le temps ou la motivation de s’engager sur un film de plus (deux volets étant déjà sortis en 1998 et en 2008) ou un projet de longue haleine. Cependant, le fait de pouvoir tourner des saisons de six épisodes seulement a changé la donne et a permis de retrouver le chemin des plateaux de Vancouver, là où l’action se passe.

Robe T by Alexander Wang.
Robe Narciso Rodriguez.
Robe Tibi.

“Mais il est vrai qu’il y aura toujours cette énergie palpable entre David et moi

Dans l’esprit du public, Mulder et Scully étaient, et sont toujours, le duo le plus captivant que la télé ait jamais produit. Les rumeurs au sujet de querelles et de liaison possible entre les deux acteurs allaient bon train, certes, mais Gillian ne se soucie guère de relancer la machine médiatique, admettant volontiers que l’alchimie est bien présente entre elle et son partenaire. « Les gens savent bien que nous sommes amis à présent et que la maturité a permis cette amitié. Mais il est vrai qu’il y aura toujours cette énergie tangible entre nous qui se ressent lorsqu’on est ensemble dans la même pièce. Donc quoi que nous fassions, il y aura quelqu’un pour extrapoler les choses. »

Gillian ne s’inquiète pas de la réaction que susciteront les nouveaux épisodes ; elle sait qu’ils livrent ici un beau projet. Par ailleurs, elle trop occupée pour tergiverser : le tournage de la troisième saison de The Fall a repris en décembre, et elle co-écrit une trilogie qu’elle compte porter à l’écran. Sans oublier sa vie de famille, sa fille Piper, 21 ans, de son premier mariage, et ses fils Oscar et Felix, 9 et 7 ans, qu’elle a eus avec l’entrepreneur Mark Griffiths (elle a rompu avec ce dernier en 2012). Un emploi du temps réglé comme du papier à musique, des mots eux aussi pesés, mais loin l’idée d’être en face de quelqu’un de frustré : franche, intéressante, intelligente… Gillian Anderson appartient à la catégorie de ces femmes qui ne cessent de fasciner.