Sujets brûlants

C’est l’une des figures les plus audacieuses et divertissantes de la culture américaine actuelle. Chrissy Teigen a bâti un petit empire basé sur l’honnêteté, la vulnérabilité, et les blagues désopilantes. Le tout orchestré en direct de son canapé, en peignoir avec un masque sur son visage. « Les gens pensent que je suis très extravertie alors que je ne quitte jamais ma maison, je suis très introvertie. Je m’y sens heureuse. »

Et je comprends pourquoi : elle vit dans une demeure contemporaine de cinq chambres à Beverly Hills (qui a jadis appartenu à Rihanna) au bout d’une rue sinueuse offrant une vue imprenable sur Los Angeles, avec son mari John Legend, compositeur de renom, et leurs deux enfants : Luna, trois ans, et Miles, un an. Pendant que nous discutons, ce dernier s’en donne à cœur joie dans son trotteur et espère esquiver sa sieste. « As-tu des gaz à cause de l’ail ? » lui demande-t-elle. Luna rentre de la maternelle elle porte un tutu rose et tient dans sa main un jouet Godzilla, et sa maman l’accueille en clamant « dessins animés ! ». La mère de Chrissy Teigen, surnommée Pepper, vit avec eux, et déambule en claquettes Yeezy.

Chrissy Teigen est lovée dans le canapé en velours de son salon, vêtue d’une combi-pantalon Caravana et d’un cardigan Chloé, et coiffée de tresses. Paul, un chef qui collabore avec elle sur les recettes de ses livres de cuisine Cravings et son site web éponyme qui verra bientôt le jour, sort de la cuisine et nous rejoint avec deux verres de rosé. Elle gère tous ses projets de chez elle. Ici, elle organise des rendez-vous (dont sa ligne d’accessoires de maison pour la chaîne de magasins Target), joue avec ses enfants, filme des contenus vidéo pour les réseaux sociaux et pour divertir ses amis. « Il y a eu des ouragans ici », admet-elle. « N’ayez pas peur de renverser quoi que ce soit. Ce ne serait pas la première fois. »

C’est en 2010 que Chrissy Teigen a fait les gros titres pour la première fois, en apparaissant dans le magazine Sports Illustrated Swimsuit Issue. D’origine moitié thaïlandaise et moitié norvégo-américaine, elle a pourtant grandi dans un environnement aux antipodes des revues de beauté : née dans l’État de l’Utah, elle a grandi auprès de sa mère, femme au foyer, de sa sœur aînée Tina, et de leur père. Ce dernier étant électricien, la famille a souvent déménagé à cause de ses divers emplois. Lorsqu’ils ont quitté une communauté de fermiers située en banlieue de Washington pour s’installer à Orange County, Chrissy Teigen a travaillé dans la boutique de surf Huntington Surf & Sport afin de s’intégrer à son nouvel environnement californien, elle qui ne savait même pas nager. C’est à ce moment-là, à l’âge de 18 ans, qu’une agence de mannequins l’a repérée.

« Je ne me suis jamais considérée comme un véritable mannequin. J’avais un salaire régulier en travaillant pour des catalogues et des sites Internet, qui se fichaient comme d’une guigne que j’aie les yeux ouverts ou fermés car ce n’était pas mon visage qui les intéressait. Je présentais une inscription au dos d’une chemise. Honnêtement, c’était le mannequinat le moins glamour du monde », explique-t-elle. Son agence l’a encouragée à déménager à Miami Beach, où pendant la « saison » des milliers de jeunes femmes vont travailler. « Je partageais un appartement pour mannequins de deux chambres avec cinq autres personnes. Je dormais sur le canapé. Nous ne travaillions que pour gagner notre vie, pour payer le loyer. Mes colocataires buvaient du thé minceur et mangeaient des boules de coton trempées dans du bouillon de poulet pour rester minces. Je me souviens que l’une de mes amies avait trouvé un emploi dans un restaurant de burritos et que c’est la seule nourriture que nous avons mangée durant des mois : des burritos gratuits. »

Même si Chrissy Teigen est devenue un punching ball pour les conservateurs, elle n’éprouve aucun regret mais fait davantage attention : « Toutes mes paroles “choc” ont été prononcées dans le feu de l’action et il m’est arrivé de dire des choses regrettables », reconnaît-elle. « J’ai juste réagi trop rapidement. Honnêtement, c’est bien d’apprendre que ce n’est pas nécessairement la meilleure façon de procéder. »

Elle fait l’apprentissage, souvent avec rudesse, que la liberté d’expression, la critique, et le souhait d’être aimé par tous sont des élans qui se heurtent parfois les uns aux autres. « Parfois je parcours les commentaires et lis ceux qui sont positifs, jusqu’à ce que je tombe sur un négatif. Et là je m’arrête, et je suis en colère. Ou triste. Et je me dis, “Mais pourquoi est-ce que je continue, à quoi bon ?” Il y aura toujours une personne pour dire quelque chose qui me heurtera, peu importe ce que je poste, il y aura toujours des critiques blessantes. C’est drôle quand tout le monde pense que vous êtes forte et que les choses glissent sur vous comme sur les ailes d’un canard », s’étonne-t-elle. « C’est bien que les choses vous tiennent à cœur. Je pense qu’il faut avoir envie d’être une personne respectée et aimée. Et c’est embêtant de ne pas être appréciée. Ça vous fait prendre conscience du pouvoir des mots. » Et ces jours-ci, les mots de Chrissy Teigen rassemblent les gens plus qu’ils ne les séparent, ce qui est le plus important des pouvoirs.

Bring the Funny sera diffusée le 9 juillet NBC