L’étoffe d’une héroïne
Avec
Danai Gurira

Le grand public a découvert DANAI GURIRA grâce à ses rôles de femme combative dans The Walking Dead et Black Panther. Elle continue sur sa lancée et devient l’une des femmes les mieux rémunérées du blockbuster phare de l’année, Avengers: Endgame. L’actrice et dramaturge parle à CHRISTINE LENNON d’identité culturelle, de la famille Marvel, et de l’importance de créer de la magie.
Danai Gurira ne passe pas inaperçue. Lorsque l’actrice de 41 ans fait son entrée dans le restaurant situé sur le toit de l’hôtel Dream à Hollywood, vêtue d’un jean délavé, d’une blouse en soie crème et de lunettes de soleil aviateur miroitantes, elle irradie dans la lumière matinale. Difficile de dire si les autres clients reconnaissent en elle la Générale Okoye, protectrice féroce de la famille royale du Wakanda dans le film Black Panther, ou plutôt la tout aussi effrayante zombie-tueuse Michonne dans la série The Walking Dead. Peut-être sont-ils tout simplement éblouis par sa prestance naturelle, mais quoi qu’il en soit, tous les regards sont braqués sur elle.
« J’anime un atelier d’écriture près d’ici », explique-t-elle en s’asseyant et en observant par-dessus la rambarde les bureaux et les studios environnants. Elle fait référence à la nouvelle ligne sur son CV : auteure pour une mini-série TV. Si les gens la connaissent pour ses performances impressionnantes à l’écran, elle est aussi une dramaturge renommée et ses pièces ont reçu plusieurs prix, dont une nomination aux Tony Awards. Elle et son amie Lupita Nyong’o se sont attelées à l’adaptation d’Americanah, le roman acclamé de Chimamanda Ngozi Adichie, qui relate les existences compliquées de deux nigériens, ainsi que leur histoire d’amour. L’amitié de Danai et de Lupita Nyong’o a débuté lorsque cette dernière a joué dans Eclipsed, une pièce de Danai Gurira ayant pour toile de fond la guerre civile libyenne.
« Il s’agissait de collaborer et NON de coopérer. Je suis toujours prête à avoir une conversation à CŒUR OUVERT sur ce en quoi je CROIS, et pourquoi. »
C’est la première fois que Danai est à la tête d’une équipe d’auteurs pour un projet de cette envergure, ce qui la ravit. « Chacun apporte sa vision », dit-elle avec enthousiasme. « Je nous définissais comme des Transformers avant même que nous ne commencions à collaborer. Notre connexion a été forte. Nous passons du bon temps, mais nous travaillons dur. L’autre jour, nous avons enchaîné 12h30 de travail d’affilée. »
Elle me parle du voyage qu’elle a effectué avec Chimamanda Ngozi Adichie et Lupita Nyong’o au Nigéria pour préparer le projet. « Black Panther venait de sortir en salles » explique-t-elle en buvant son thé à la menthe, et au vu du succès du film et de deux de ses stars principales, elles ont décidé de voyager incognito. Personne n’a su qu’elles étaient là-bas avant qu’elles ne décident de publier une photographie sur Instagram. « On essayait de ne pas attirer l’attention sur nous », explique-t-elle. « Notre séjour a été fantastique. Chimamanda nous a présentées à ses nombreux amis du milieu de la mode, qui font tous des choses magnifiques. Je me considère moi-même comme une africaniste. J’aime les variations du continent, la spécificité de ses différentes zones. Ces caractéristiques font malheureusement trop souvent l’objet d’amalgames. »
La voix de Danai Gurira force l’attention aussi bien dans la pièce où les auteurs se réunissent qu’à l’extérieur. « Je sais très clairement quelles choses ont du sens pour moi, et lesquelles n’en ont pas. » affirme-t-elle avec véhémence. Une vision qu’elle cultive depuis ses années estudiantines, lorsqu’elle suivait le cursus de comédie de la Tisch School of Arts à New York. « La beauté de ce programme était qu’en plus des personnes formidables dont j’étais entourée, comme Sterling K. Brown et Mahershala Ali, nous fréquentions tous ce cours où vous deviez laisser votre ego à la porte. Il s’agissait de collaborer et non de coopérer, une phrase que l’un de mes professeurs aimait à répéter. Je suis toujours prête à avoir une conversation à cœur ouvert sur ce en quoi je crois, et pourquoi. J’ai toujours été respectueuse. Eu envie de trouver la magie. Comment créer un environnement propice à la naissance de la magie ? »
Cette magie est indéniablement au cœur de sa performance dans Black Panther, qui l’a rendue si populaire qu’elle fait désormais partie des trois femmes, aux côtés de Scarlett Johansson et Brie Larson, qui se partagent l’affiche dans le dernier volet de la franchise Avengers, Avengers: Endgame. « J’adore la famille Marvel. Travailler avec eux m’a beaucoup plu. Et je tiens beaucoup à nos fans », dit-elle.
En revanche, elle reste silencieuse quant à son départ imminent de la série The Walking Dead. Elle fera des apparitions dans quelques épisodes de la dixième saison. « Nous commencerons bientôt le tournage, donc il va falloir que je commence mes entraînements sportifs. » Dans un mois, elle retournera à Atlanta, le lieu de tournage de The Walking Dead et des Marvel qui est en conséquence devenu sa troisième maison, après son appartement de Brooklyn et sa maison à Hollywood. « L’équipe de The Walking Dead forme une belle famille. Nous organisons des dîners participatifs. Nous nous invitons chez les uns et les autres. Nous prenons soin les uns des autres. Je parle aussi beaucoup à mon auteur-producteur, Scott Gimple, qui est en quelque sorte mon sauveur pendant que je m’occupe de l’organisation de l’atelier d’auteurs. »
Danai Gurira est la personne la plus qualifiée pour adapter Americanah : « Chimamanda et moi avons des parcours similaires. Nous avons toutes deux été élevées par des intellectuels, sur un campus africain ou pas loin. En grandissant, nous avons vu nos pays traverser des épreuves diverses. Et nous sommes revenues en Amérique pour l’école. Lupita aussi, d’ailleurs. »
Danai Gurira est née aux États-Unis de parents africains, et à l’âge de cinq ans, elle est retournée au Zimbabwe, terre d’origine de sa famille. Elle est ensuite rentrée aux États-Unis pour étudier à l’université du Minnesota. « Ces deux mondes font partie de moi », explique-t-elle à propos du fait qu’elle se sent autant américaine que zimbabwéenne. C’est durant ses études au Macalester College, à Saint Paul, qu’elle a pris conscience pour la première fois de ses origines culturelles : « J’ai su en arrivant là-bas que je devrais être vigilante. Quand on est dans un pays qui offre autant d’opportunités et d’excès, il faut savoir ce que l’on fait et pourquoi, et comment être responsable avec toutes les possibilités qui se présentent à vous en tant que citoyen américain. Il a également été clair pour moi que j’allais garder une connexion concrète et active avec le Zimbabwe. Quand j’étais petite et que j’ai déménagé en Afrique, j’ai pensé que j’étais américaine. Et quand je suis revenue, j’ai réalisé à quel point j’étais africaine. »
« Ces DEUX mondes font partie de moi. Quand j’étais petite et que j’ai déménagé en Afrique, j’ai pensé que j’étais AMÉRICAINE. Et quand je suis revenue, j’ai réalisé à quel point j’étais AFRICAINE. »
Dans le foyer des Gurira, les conversations à propos de l’histoire politique compliquée du « continent » étaient monnaie courante. La mère de Danai est libraire et son père enseigne la chimie, et ils encourageaient leurs trois enfants à avoir des débats animés (Danai est la benjamine de la fratrie). L’idée qu’une femme générale d’armée, comme le personnage d’Okoye, puisse exister en Afrique, n’aurait pas choqué Danai Gurira lorsqu’elle était écolière, elle qui aimait courir, nager, jouer au tennis et au hockey, avant de se passionner pour le théâtre.
« Chez nous, notre père ne ressentait pas le besoin de dominer », dit-elle. « Il restait en retrait et nous laissait l’espace et la possibilité d’exprimer nos opinions. Le concept selon lequel un homme était plus capable, plus intelligent, ou plus digne d’occuper un emploi donné, ou avait davantage accès à cet emploi, n’existait pas. J’ai toujours été témoin d’une véritable égalité. »
En tant que nouvelle ambassadrice de Goodwill pour les Nations-Unies, et fondatrice de l’association Love Our Girls, qui a pour but de faire connaître les organisations dédiées à l’égalité des genres, Danai Gurira met tout en œuvre pour transformer sa passion pour le féminisme en actions.
« Le CONCEPT selon lequel un homme était plus capable, plus intelligent, ou plus DIGNE d’occuper un emploi donné, ou avait davantage accès à cet emploi, n’existait pas. J’ai toujours été témoin d’une véritable ÉGALITÉ. »
Lorsqu’elle est arrivée à la Tisch School of Arts avec déjà un diplôme de psychologie en poche, elle a fait une forte impression sur ses camarades en écrivant puis en jouant ses propres monologues, incorporés par la suite à ses pièces de théâtre. Avec l’avènement en 2006 lorsque sa première pièce In the Continuum a été jouée à New York. L’histoire, co-écrite avec Nikkole Salter, avec laquelle elle monte aussi sur les planches, a pour centre deux femmes originaires respectivement du Zimbabwe et de Los Angeles, toutes deux porteuses du VIH.
Alors qu’elle était acclamée dans le monde du théâtre et récompensée des prix Obie et Whiting, elle faisait également son bonhomme de chemin en tant qu’actrice à New York, via des séries comme New York, police judiciaire, et des rôles secondaires au cinéma. Puis, en 2012, elle a obtenu celui de Michonne dans The Walking Dead. Black Panther a suivi en 2016. « Nous savions que nous étions en train de faire une chose sans précédent », dit-elle à propos des équipes artistique et technique du film. « Aucun d’entre nous ne venait au travail. Nous venions pour une cause et une vocation. »
La vocation actuelle de Danai Gurira est de devenir une productrice de contenus influente, à l’image de Shonda Rhimes et de Reese Witherspoon. « Beaucoup de personnes créent des histoires au-delà de leur plateforme habituelle. L’idée de s’engager dans la nouveauté me séduit. Il faut se sentir effrayé et excité. » Selon elle, le moyen le plus sûr de déterminer si un projet mérite l’attention et l’énergie qu’elle lui porte, est de le soumettre à ce qu’elle appelle « le test de Noël ». « C’est le test de l’enfant le matin de Noël », explique-t-elle en riant. « Est-ce que je me sens aussi excitée et impatiente ? Si c'est le cas, vous savez que vous êtes sur la bonne voie. »
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