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En tête d’affiche

Avec

Diane Kruger

Qu’elle risque sa vie pour s’entraîner au sein des services secrets ou qu’elle se dédie toute entière au mariage et à son rôle de maman, DIANE KRUGER sait s’adapter à chaque situation. Elle discute avec JANE MULKERRINS du côté obscur de la célébrité et de ses projets à venir.

Photographe Benjamin VnukRéalisation Tracy Taylor
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Lors du deuxième trimestre de sa grossesse [sa fille est née en octobre de son union avec l’acteur Norman Reedus], Diane Kruger, actrice et ancien mannequin, prenait tout sauf le temps de se reposer. Au lieu de cela, elle suivait un entraînement intensif à Tel Aviv pour jouer un agent du Mossad dans son prochain film, The Operative – l’entraînement était similaire à celui imposé aux futurs membres de l’agence de renseignement israélienne.

« Nous devions faire des choses bizarres, comme convaincre un inconnu rencontré dans la rue de vous suivre quelque part ou frapper à la porte de quelqu’un et faire en sorte qu’il vous laisse entrer chez lui, » explique-t-elle. Elle se faisait passer pour une touriste. « Et si vous croyez vraiment en ce que vous dites, la plupart des gens feront leur possible pour vous aider, » admet-elle. « J’ai eu vraiment beaucoup de mal à mentir de cette façon. » Mais passer la sécurité de l’aéroport avec un faux passeport aura été la situation la plus angoissante pour elle, me confie-t-elle. « Je pouvais vraiment me faire arrêter. C’était terrifiant. »

« Je me suis dit pendant très longtemps que je ne voulais pas d’ENFANT. J’étais trop égoïste. J’ai CHANGÉ d’avis lorsque j’ai eu 35 ans mais ensuite il a fallu attendre de rencontrer la BONNE PERSONNE »

Photo du dessus : cardigan Alessandra Rich ; serre-tête Prada. Cette photo : robe Simone Rocha ; bague Buccellati.
Blouse Erdem.

Bien qu’elle soit mal à l’aise avec cela, les mensonges et la déception sont au cœur des sujets abordés par ses prochains films. En plus de The Operative, on pourra bientôt la voir dans le très attendu Jeremiah Terminator LeRoy, l’histoire incroyable d’une femme qui a dupé tout Hollywood et l’industrie de la publicité des années 90 jusqu’au début des années 2000. JT LeRoy était présenté comme un jeune prodige de la littérature, auteur de plusieurs livres semi-autobiographiques racontant sa terrible enfance… Alors qu’en réalité, derrière ce pseudonyme se cachait un personnage inventé de toutes pièces par l’écrivaine Laura Albert, et incarné (à grand renfort de perruques et de lunettes de soleil) par sa belle-sœur, Savannah Knoop.

Le film, dans lequel LeRoy est joué par Kristen Stewart, est coécrit par Savannah Knoop elle-même, qui est incarnée à l’écran par Laura Dern. Si l’histoire est rocambolesque, le personnage de Diane, Eva, est tout aussi surprenant : une actrice européenne sournoise et manipulatrice, prête à tout pour obtenir les droits du roman de JT (elle est en partie inspirée d’Asia Argento, qui avait fait ami-ami avec LeRoy et adapté son roman au cinéma avec Le Livre de Jérémie). « Les célébrités s’abreuvaient des écrits de JT. Tout le monde voulait une part de ce type qui semblait si pur et si authentique », constate Diane Kruger avec une expression trahissant son dédain. « La culture de la célébrité est si abjecte, ou du moins, elle peut l’être, et c’est exactement ce que montre cette histoire. »

La relation que l’actrice entretient avec sa propre renommée peut sembler, au mieux, ambivalente. Elle est l’une des cibles favorites des paparazzis, en grande partie à cause de son histoire d’amour de dix ans avec l’acteur de la série Dawson, Joshua Jackson ; lorsqu’ils ont rompu en 2016 la toile s’est enflammée, proclamant que la société entière avait le cœur brisé maintenant que ce couple en or n’était plus. Très affectée par cette médiatisation, la star hollywoodienne avait déclaré : « Je ne parlerai plus jamais de ma vie sentimentale… Je pense que tout le monde en sait déjà suffisamment sur ma vie privée. Certaines choses devront rester secrètes, dorénavant. » Elle et son conjoint, Norman Reedus, ont ainsi décidé de ne pas dévoiler le nom de leur fille aux médias.

« Les célébrités s’abreuvaient des écrits de JT. Tout le monde voulait UNE PART de ce type qui semblait si pur et si AUTHENTIQUE. La culture de la célébrité est ABJECTE, ou du moins, elle peut l’être, et c’est exactement ce que montre cette histoire »

Cardigan Khaite ; culotte et soutien-gorge Dolce & Gabbana.

Si elle parvient à protéger sa vie privée de la presse, Diane Kruger possède toutefois une place de choix parmi les personnalités les mieux habillées, arborant très souvent des pièces de ses amis créateurs comme Karl Lagerfeld, Jason Wu ou encore Giambattista Valli, qu’elle a connu étant mannequin, il y a une vingtaine d’années. Mais aujourd’hui c’est une Diane Kruger décontractée qui me rejoint dans un café du quartier de West Village à Manhattan, tout près de la maison où elle vit avec Norman. Elle est emmitouflée dans un grand manteau MaxMara beige, sans maquillage et a dissimulé ses cheveux sous une casquette gavroche. « J’ai pris une douche, rien que pour vous ! » déclare-t-elle gaiement en posant son manteau. Elle est vêtue d’un jean et d’un polo à rayures. « J’ai vraiment fait un effort. Je n’ai pas été aussi bien habillée en deux mois. » Reedus, alias Daryl Dixon, le tueur de zombies de The Walking Dead, s’occupe du bébé le temps de l’interview. « Je me suis dit pendant très longtemps que je ne voulais pas d’enfant. J’étais trop égoïste. J’ai changé d’avis lorsque j’ai eu 35 ans mais ensuite il a fallu attendre de rencontrer la bonne personne. »

« Il ne faut jamais dire JAMAIS. Si je me remariais, j’organiserais une grande fête et je porterais une BELLE ROBE… La question de la sécurité financière est aussi à prendre en considération, mais je suis INDÉPENDANTE, donc je n’ai besoin de personne de ce côté-là »

Son compagnon, qu’elle a connu peu après sa rupture avec Joshua Jackson, a eu un fils, Mingus, aujourd’hui âgé de 19 ans, avec le mannequin Helena Christensen qui vit également dans le quartier. Ils viennent justement de fêter Noël tous ensemble et s’apprêtent à célébrer le 50ème anniversaire de Reedus le week-end prochain.

Diane Kruger a déjà été mariée : à 23 ans, elle a dit « oui » à Guillaume Cannet. Ils ont divorcé en 2006, et elle a déclaré que le mariage était un engagement que l’on devait prendre seulement lorsque l’on était très âgé, après avoir passé toute sa vie avec quelqu’un. « Il ne faut jamais dire jamais », sourit-elle. « Si je me remariais, j’organiserais une grande fête et je porterais une belle robe… Mais je ne suis pas croyante, donc l’aspect religieux m’importe peu », confesse-t-elle. « La question de la sécurité financière est aussi à prendre en considération, mais je suis indépendante, donc je n’ai besoin de personne de ce côté-là ».

Robe-nuisette Three Graces.
Soutien-gorge Dolce & Gabbana.

Diane a grandi dans la petite ville d’Algermissen, au nord de l’Allemagne. Sa mère était employée de banque et son père, projectionniste dans un cinéma, était alcoolique. Ses parents ont divorcé alors qu’elle était encore adolescente. Son rêve était de devenir danseuse étoile, et elle passait tous ses étés à étudier à la Royal Ballet School, une école de danse prestigieuse située à Londres. « Mais au moment de la puberté, quand mon corps a commencé à changer, je n’arrivais plus à suivre. Je n’étais pas assez douée, tout simplement. » Une blessure à l’âge de 13 ans a mis fin à ses aspirations… « Mais c’était un mal pour un bien », assure-t-elle en haussant les épaules. « C’est une vie très difficile. »

À 15 ans, elle remporte le concours Elite en Allemagne, et, après une série de photos test, est envoyée à Paris pour un premier contrat. « Je ne suis jamais repartie. C’était un monde tout nouveau, et c’était génial. » Elle rit à l’idée d’imaginer laisser sa propre fille faire la même chose : « je n’arrive pas à croire que ma mère m’ait autorisé à partir. Je lui dois tout ce que j’ai, car si elle n’avait pas eu cette confiance en moi inébranlable, je n’en serais pas où j’en suis aujourd’hui. À l’époque il n’y avait pas de téléphones portables, pas de cartes de crédit, pas de chaperons, et je ne parlais pas un mot de français. » Elle sirote son capuccino en secouant la tête. « Hors de question que ma fille fasse cela. »

Malgré son succès en tant que mannequin – elle a notamment fait la une des magazines Vogue Allemagne et Elle France et, a été l’égérie de marques telles que Chanel et Giorgio Armani – elle nous confie que cette carrière « est devenue ennuyeuse », « qu’être jugée seulement sur son apparence tout le temps n’a rien d’enrichissant ».

Une fois établie à Paris, elle a pu étudier au Cours Florent et a réussi à construire une solide carrière d’actrice en France depuis. Elle gagne également en popularité dans son Allemagne natale depuis peu. In the Fade, son premier film dans sa langue maternelle, dans lequel elle incarne une femme ayant perdu son mari et son fils dans une attaque terroriste, lui a valu le prix d’interprétation féminine au festival de Cannes en 2017. « Ce rôle m’a permis de me reconnecter à mes racines » déclare-t-elle. « Je n’y ai pas vécu depuis 25 ans mais le fait d’y retourner et de parler allemand tous les jours m’a rappelé que j’étais chez moi. »

« Norman est si CALME, il m’apprend énormément, parce qu’il a de l’expérience dans le domaine. C’est vraiment un AVANTAGE d’être avec quelqu’un qui [est parent] pour la seconde fois »

En dépit de quelques rôles de grande envergure, comme le personnage de Bridget von Hammersmark, actrice et agent double dans le film de Tarantino Inglourious Basterds, les rôles en anglais demeurent rares. « Mais ce n’est pas grave », fait-elle en haussant les épaules à nouveau. « Je pense qu’en vieillissant, vous apprenez que les choses viennent à vous quand vous êtes prête. » C’est aussi le cas, selon elle, de la maternité : « je suis contente d’avoir attendu », affirme-t-elle.

Sur cette note, elle s’excuse pour jeter un coup d’œil à son téléphone : Norman lui a envoyé une photo de sa fille profondément endormie dans ses bras. « Il est si calme, il m’apprend énormément, parce qu’il a de l’expérience dans le domaine », dit-elle. « C’est vraiment un avantage d’être avec quelqu’un qui fait cela pour la seconde fois ». C’est sur ces paroles qu’elle me quitte, s’en retournant se réfugier dans son cocon familial.

Robe et escarpins Prada ; culotte et soutien-gorge Dolce & Gabbana.

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