Icônes mode
Avec
Alek Wek & Gemma Ward

ALEK WEK et GEMMA WARD, deux des visages les plus connus de l’industrie de la mode, ont changé la face du mannequinat à la fin des années 90 et 2000. Vingt ans plus tard, elles sont toujours sous le feu des projecteurs et continuent à se battre pour faire évoluer le milieu. Elles posent ici dans les pièces intemporelles et actuelles du printemps-été 2019.
ALEK WEK, 41 ans
Alek Wek est un mannequin soudanais qui a commencé sa carrière en 1995 à l’âge de 18 ans (elle en a aujourd’hui 41). Elle a changé non seulement l’industrie mais aussi les ambitions de millions de filles à la peau sombre, dont Lupita Nyong’o, dans le monde entier, leur permettant de pouvoir enfin s’identifier aux couvertures des magazines et aux photos de mode. Elle a défilé pour d’innombrables créateurs pendant 24 ans, comme Chanel, Dries Van Noten, Oscar de la Renta et Marc Jacobs, est apparue dans les clips musicaux de Tina Turner et Janet Jackson, et a animé les Fashion Awards à Londres l’année dernière.
JE SUIS TRÈS SÛRE DE MOI. Je suis issue d’une famille dans laquelle on célèbre notre féminité. Mais au milieu des années 90, l’industrie de la mode n’était pas habituée à ce qui sortait de l’ordinaire. Pour moi, c’était important qu’il ne s’agisse pas uniquement de moi et de la représentation des femmes de couleur, mais surtout de diversité. La mode puise son inspiration dans le monde entier, et au sein de cultures différentes. De nos jours, avec les réseaux sociaux, nous sommes tellement connectés qu’il est impossible de ne pas célébrer la diversité. Ce qui était nécessaire depuis longtemps.
LES GENS M’ONT BIEN ACCUEILLIE car ils savaient que j’avais envie de m’amuser avec la mode, de porter ces vêtements et de transmettre le message que la couleur fait partie de moi. Je ne suis pas un cintre et je ne vais pas me laisser sous-exploiter. Je suis heureuse d’être parvenue à faire ce que je voulais au fil des années. J’ai eu la chance de travailler avec certaines légendes du milieu, comme Yves Saint Laurent et Irving Penn, et j’en suis ravie car ils m’ont stimulée, et si vous ne l’êtes pas, vous ne pouvez pas progresser. Maintenant que je regarde en arrière, j’ai du mal à croire en l’Alek que j’étais à 18, 20, 21 ans… C’est une leçon d’humilité, même si je suis toujours la même femme.
LES RÉSEAUX SOCIAUX FONT LA LUMIÈRE SUR DES PROBLÈMES IMPORTANTS, comme le harcèlement dans l’industrie ou le mouvement #MeToo. Les gens qui se sont mal comportés ne peuvent plus récidiver, et s’ils le font, il y aura des conséquences. Dans ce milieu, j’ai longtemps eu le sentiment que nous n’avions pas cette possibilité. Lorsque vous dénoncez quelque chose, même en prenant la parole, vous avez une responsabilité sociale et devez respecter cela. Car si les générations suivantes sont le témoin de mauvais comportements, elles penseront à tort que c’est acceptable. Être capable de montrer des visages et des histoires est primordial car c’est de cette façon que l’on est plus fortes. Je dis toujours que même si nous avons des origines et des histoires différentes, une souffrance est une souffrance, la famille est la famille, les valeurs sont les valeurs, la morale est la morale, et l’amitié est l’amitié. Ce sont des choses universelles. Que vous dormiez dans la rue ou dans un hôtel de luxe, vous pleurez, saignez et ressentez de la même façon.
« Les gens m'ont bien ACCUEILLIE car ils savaient que j’avais envie de m’amuser avec la mode, de porter ces vêtements et de transmettre le MESSAGE que la couleur fait partie de moi. Je ne suis pas un CINTRE. Je ne vais pas me laisser sous-exploiter »
ALEK WEK
LA TAILLE IMPORTE PEU, l’important est d’être saine. Chaque personne a une morphologie différente, et certaines filles sont découvertes par les agences de mannequinat à 14 ans, l’âge où ma puberté a commencé ! Si vous n’êtes pas en bonne santé, rien d’autre ne compte.
SI JE NE TRAVAILLAIS PAS DANS LA MODE j’aurais une ribambelle d’enfants, car je les adore. J’ai envie de commencer à essayer d’en avoir. Je me sens déjà mère, j’ai l’instinct maternel et j’ai enfin du temps et plus besoin de courir dans tous les sens. Les enfants de ma sœur ont maintenant la vingtaine et j’ai du mal à y croire. Ils sont tous très fiers de ma carrière, aiment la mode et s’y identifient. Je ne peux pas les imaginer incapables de se reconnaître dans [des photos de mode].
LA MODE M’A PERMIS DE SOULEVER DES PROBLÈMES IMPORTANTS comme la crise des réfugiés. Je suis née et ai grandi au Soudan du Sud pendant la guerre civile. Nous n’avions pas l’électricité et manquions de tout, et si le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés n’avait pas été là pour nous donner de l’eau, un abri et de la nourriture, je ne crois pas que je serais en train de vous parler en ce moment même. C’est la raison pour laquelle je juge essentiel de venir en aide à autrui.
GEMMA WARD, 31 ans
Avec ses yeux de biche et son visage de poupée de porcelaine, ce top australien de 31 ans fut une véritable révélation quand elle a foulé le podium de Prada en 2003, à tout juste 16 ans. Chanel, Louis Vuitton et Valentino se la sont arrachée, puis elle s’est attaqué à Hollywood et a obtenu des rôles dans Pirates des Caraïbes : la fontaine de jouvence et Gatsby le Magnifique. En 2008, elle a fui les projecteurs, pour des raisons personnelles. Six ans et deux enfants plus tard, elle est revenue sur le podium du défilé printemps-été 2015 de Prada.
QUAND ON EST JEUNE ON SE CROIT INVINCIBLE et on ne réalise pas que le travail peut avoir des répercussions sur l’esprit et le corps. Si je pouvais revenir en arrière, je me conseillerais de ralentir le rythme et de prendre les choses avec plus de recul. Je leur accordais probablement trop d’importance parce que je pensais que tout pouvait s’arrêter d’un instant à l’autre, et qu’il fallait que j’en profite maintenant. Ce n’est pas comme ça qu’il faut procéder, parce que les carrières durent longtemps et que ça ne vaut pas la peine de compromettre sa santé. Dorénavant, mon approche du travail est différente. Je l’apprécie davantage, mais je sais également reconnaître les moments où je dois ralentir la cadence.
NATALIA VODIANOVA FUT LE PREMIER MANNEQUIN DONT J’AI VRAIMENT AIMÉ LE TRAVAIL, surtout avec Calvin Klein. Lorsque j’ai commencé à regarder des photos de mode, les siennes se démarquaient. Lauren Hutton m’inspire également ; ses leçons de vie et son approche de l’industrie de la mode.
JE PRENDS TOUT JUSTE CONNAISSANCE DES CHANGEMENTS DE L’INDUSTRIE car j’ai fait une pause. Visiblement les carrières se construisent très différemment grâce aux réseaux sociaux. Certaines des mauvaises expériences que j’ai vécues ne pourraient plus se produire aujourd’hui, donc je suppose que ce milieu est maintenant plus sûr et plus ouvert. Je pense qu’en plus d’être positif, le mouvement #MeToo était nécessaire. Lorsqu’une situation est hors de contrôle et non régulée pendant si longtemps, les gens ont la possibilité d’avoir l’ascendant sur ceux qui sont sans défense, ou bien de les mettre dans une position où ils pensent devoir faire quelque chose pour avoir l’opportunité de travailler. Voir que la situation prend une meilleure tournure me rend très heureuse, surtout dans une industrie composée de tant de jeunes filles. Ce sont ces gens-là qui doivent être protégés.
« Certaines choses ne devraient jamais être dites à un mannequin. S’entendre dire qu’on est trop GROSSE n’est pas acceptable. Cela a un effet dévastateur et peut DÉTRUIRE une personne mentalement et physiquement pour longtemps »
GEMMA WARD
CERTAINES CHOSES NE DEVRAIENT JAMAIS ÊTRE DITES À UN MANNEQUIN. Pour ma part, je peux certifier qu’à 14 ou 15 ans, s’entendre dire qu’on est trop grosse n’est pas acceptable. Cela a un effet dévastateur et peut détruire une personne mentalement et physiquement pour longtemps, et avoir des répercussions sévères.
LA VIE EST SI ÉTRANGE. Je suis constamment étonnée et surprise par le chemin que j’ai parcouru. Depuis ma puberté il s’est passé tellement de choses auxquelles je ne me serais jamais attendue. Quand j’y pense, tout cela a été très positif pour moi. On peut exploiter ses expériences personnelles afin d’en tirer des leçons, et parfois on ne se rend compte de ce dont on avait besoin qu’après coup. Chaque situation dans laquelle on se trouve est une opportunité d’apprentissage et, qu’elle soit négative ou positive, on peut y déceler un aspect positif. Il faut arriver à dépasser ce moment, sinon on s’embourbe et on se pose trop de questions.
JE NE ME SOUVIENS PAS PRÉCISÉMENT DE LA PREMIÈRE FOIS QUE J’AI TRAVAILLÉ AVEC KARL LAGERFELD, mais nous avons collaboré sur de nombreux défilés. Il était toujours si gentil, et vous montrait qu’il vous appréciait par le biais d’une blague ou d’une attention. C’est très précieux, car on se sent souvent habillée sans être vraiment considérée, et lui mettait un point d’honneur à prendre en compte votre personnalité. À chaque fois que nous déjeunions ensemble, il m’incluait dans la discussion, par exemple en m’interrogeant sur les films dans lesquels j’étais en train de jouer : « À quoi ressemblent les costumes ? Ne joue pas dans un film à moins que les costumes soient beaux. »
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