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Amber Valletta

AMBER VALLETTA faisait partie des Supermodels dans les années 90, et son nom était associé à la mode et au glamour plutôt qu’au climat et à la préservation. Pourtant, l’actrice et activiste s’y consacre corps et âme en élevant sa voix et en manifestant, allant même jusqu’à se faire arrêter. Elle pose ici dans notre nouvelle sélection de vêtements durables, et parle à EVE BARLOW de mode, de foi et de sa plus grande peur.
Amber Valletta n’est pas du genre à passer par quatre chemins. Elle sait ce qu’elle veut, se bat pour une mode durable, est une activiste, et pendant les manifestations pour le climat en novembre dernier, a été arrêtée à Washington aux côtés de Jane Fonda. Son intérêt pour l’environnement prend probablement racine dans son enfance passée en milieu rural à Tulsa, dans l’État de l’Oklahoma. Elle passait ses week-ends dans la ferme de ses grands-parents où elle courait, construisait des forts, et jouait dans le foin. « Mes meilleurs souvenirs sont à l’extérieur », dit-elle à ce propos. Nous sommes installées en terrasse d’un restaurant situé dans le quartier de Palisades sur la côte californienne, où elle a élu domicile. L’été, leur famille se rendait au Blue Whale of Catoosa, un lac artificiel situé sur la route 66. « C’était une mare marron pleine de serpents et de boue. On adorait ça ! »
Elle se souvient de l’arrestation de sa mère avec un groupe d’activistes amérindiens qui manifestaient contre l’érection d’une centrale. « Ma mère brandissait une banderole disant “Pas de bombes nucléaires” ». Opération réussie. Avant qu’Amber Valletta ne participe aux manifestations à Washington, elle a évoqué ces souvenirs avec sa mère par téléphone. « J’ai choisi de me faire arrêter. J’ai ressenti le besoin d’élever ma voix. D’agir pour moi. Je me fiche de ce que les gens pensent. Il m’est impossible de rester les bras croisés, j’ai besoin de m’impliquer. J’ai choisi d’être arrêtée en guise de symbole. Ma vie vaut le coup d’être mise à contribution afin de montrer à tous qu’il faut se battre. »
« J’ai ressenti le besoin d’élever ma voix. D’agir pour moi. Je me fiche de ce que les gens pensent. Il m’est impossible de rester les bras croisés, j’ai besoin de m’impliquer »
Elle commence à montrer des signes d’émotion. Ses yeux rougissent, sa voix tremble. J’y décèle de la peur, de la colère, et de la foi. « Je crois en cela, et suis prête à bousculer l’opinion publique et à aller en prison. » Elle se souvient d’avoir marché entre la Cour Suprême et Capitol Hill en criant. Quand elle a été arrêtée, elle pouvait voir ces bâtiments. « C’était profond. Nous sommes en train de traverser la crise la plus importante. Je ne minimise pas le Sida, le diabète ou l’addiction, mais bientôt il n’y aura plus de quoi se battre. Rien ne compte davantage. »
Amber Valletta est le genre de personne douée pour la communication qui nous rappelle qu’être en vie est un privilège. « Ça me donne envie de pleurer. Je ne serai plus de ce monde, mais qu’adviendra-t-il de mes petits-enfants ? Vivre dans un monde où ils seraient privés de certaines expériences. Voir des éléphants ou une baleine. L’océan sera plein de plastique, on ne pourra plus manger de poisson, aller à la plage, admirer le corail… Il ne sera plus possible de devenir médecin, scientifique ou créateur. On croit que tout est acquis et nous est dû. C’est tellement ridicule que ç’en est insoutenable. »
Dans les années 90, Amber Valletta était célèbre pour son implication dans la mode, pas dans la protection de l’environnement. Elle a fait la couverture du Vogue États-Unis 16 fois. Elle a fait partie du groupe des Supermodels, a partagé un appartement avec Shalom Harlow, et a défilé pour Prada, Gucci, Versace, etc. Ses débuts dans l’industrie furent un tourbillon. En l’espace de quelques années elle gagnait plus d’argent qu’elle n’en avait jamais vu. « J’ai commencé à me sentir déconnectée et je ne comprenais pas pourquoi. J’oscillais entre un sentiment de mélancholie, de trop-plein, et de besoin de faire la fête. » Après avoir déménagé à Los Angeles et avoir eu un enfant en 2000 avec son ex-mari, Chip McCaw, elle s’est attelée à la comédie et a joué dans son premier film, Apparences de Robert Zemeckis.
Amber Valletta était étudiante à l’Université de New York au moment où Al Gore commençait à alerter l’opinion sur le changement climatique. « Au départ on s’inquiétait pour la couche d’ozone, vous vous souvenez ? » S’installer en Californie et devenir mère a été comme un électrochoc. « Je crois en l’importance de la conservation, et de protéger les gens des produits chimiques dans les aliments. » Elle a rejoint le NRDC (Natural Resources Defense Council) afin de faire du lobbying à Sacramento pour nettoyer la plage. Et puis elle s’est rendu compte que l’industrie de la mode était à la traîne.
En ce moment, Amber Valletta cherche des fonds pour financer son documentaire, The Changing Room. « Nous voulons informer les consommateurs de mode sur le développement durable de façon éducative et divertissante. Cette industrie a la capacité de changer les choses. » Elle est une mine de conseils. Son astuce destinée à ceux qui souhaitent acheter de façon plus éthique est d’investir dans des pièces de qualité qui dureront des années. Sa garde-robe universelle ? « Un beau débardeur ou T-shirt sied à tout le monde. Ayez une ou deux blouses. En général, les marques de luxe ne produisent pas en grande quantité donc sont une valeur sûre. Je crois en le pouvoir d’un blazer bien coupé, de bottines et de baskets de qualité. Je ne m’en passe pas. » Les marques qui n’affichent pas leur efficacité éthique déboussolent encore plus Amber Valletta. « Elles ont peur de ne pas faire assez. Ma réponse ? Mettez au moins les informations sur étiquette, comme les ingrédients. Le manque de transparence nous retient au XXe siècle, or nous avons entamé la deuxième décennie du XXIe siècle. Il est temps de construire l’industrie ! »
Elle encourage son fils Auden, 19 ans, à faire des choix basés sur l’utilité, et lui dit que quelle que soit la carrière qu’il choisira, elle devra être dédiée au service. « Sa génération n’a pas d’autre option. Il n’est pas question de devenir courtier en bourse ou avocat pour s’enrichir. On peut s’amuser, mais pas faire preuve d’égoïsme. »
« Nous voulons informer les consommateurs de mode sur le développement durable de façon éducative et divertissante. Cette industrie a la capacité de changer les choses »
Lorsqu’elle avait l’âge de son fils, Amber Valletta était mue par l’envie de s’amuser. Elle souhaitait passer un été en Europe. « Je ne connaissais rien au mannequinat. J’aimais jouer la comédie. Je pensais que l’on devenait célèbre par magie ! » À Milan, elle a découvert la saveur de l’indépendance. Le mannequinat était aussi agréable que de jouer la comédie. L’été suivant elle y est retournée et s’est retrouvée dans un studio photo dont les murs étaient recouverts de toutes les couvertures du Vogue Italie. Elle n’y connaissait rien et n’avait jamais entendu parler de photographes de mode comme Steven Meisel, Francesco Scavullo, ni même Peter Lindbergh. Elle a attrapé la couverture sur laquelle figurait Linda Evangelista. « À l’époque je ne la connaissais pas. C’était un vrai personnage. J’ai réalisé que c’était le genre de travail que je voulais faire : raconter des histoires intéressantes. »
« C’est quand je me suis coupé les cheveux que tout a changé. Soudainement je suis passée de “une fille” à “qui est cette fille ?” »
Ce fut chose faite à 18 ans, quand elle fit la couverture du fameux magazine. « Lorsque j’ai coupé mes cheveux ça a tout changé. » Cette décision a été inspirée par une séance photo avec le coiffeur français Yannick D'Is. « J’avais 17 ans mais en paraissais beaucoup plus. Personne n’avait de coupe courte à ce moment-là. Le style grunge n’avait pas encore fait son apparition. Je lui ai dit que je voulais me couper les cheveux. Il m’a répondu “Ce n’est pas nécessaire” puis m’a demandé mon âge et sa mâchoire s’est décrochée : “Tu devrais vraiment te couper les cheveux.” Et soudainement je suis passée de “une fille” à “qui est cette fille ?” »
Elle a partagé un logement avec Shalom Harlow, et s’est liée d’amitié avec Kate Moss et Christy Turlington. Le groupe des Supermodels des années 90 a posé les bases de l’émancipation des mannequins. Se sentaient-elles féministes ? « Personne ne se demandait si on essayait de faire passer un message. » La bande est restée en contact, et Amber Valletta fréquente toujours Kate Moss à Londres. C’était pour elles un filet de sûreté dans cette industrie où la pression est forte. « Ensemble, on se battait, pleurait, se soutenait, perdait des emplois, tout ça. »
Les égos étaient moins bruyants, tout du moins en public. « Personne n’aurait jamais pris son Polaroïd pour le diriger vers soi-même. Ne se serait vanté de voyager en jet privé. C’est pourquoi quand Linda Evangelista a fait cette déclaration [« Je ne sors jamais de mon lit pour moins de 10 000 dollars par jour »] ça a fait scandale. Aujourd’hui, sur Instagram, tout le monde se met en avant. Et même des gens qui ne font rien ! » Elle-même abhorre les selfies. « Ça me met terriblement mal à l’aise. Je veux que les choses changent, c’est tout ce qui m’intéresse. »
Il y a quelques années, elle a eu une bonne raison d’attirer l’attention sur elle, en évoquant son problème d’addiction. Cela fait maintenant 25 ans qu’elle est sobre. « Je croyais que personne ne regarderait », dit-elle en riant à propos d’un discours qu’elle a prononcé pour MindBodyGreen, une marque de lifestyle bien-être, lors d’un événement privé qui a depuis été publié en ligne. Elle y parle de sa consommation de drogues et d’alcool durant ses jeunes années. « À ce moment-là quand je sortais ça ne me dérangeait pas qu’on me voie dans un état second. Alors pourquoi devrais-je avoir honte d’être sobre et de dire “J’ai une maladie que je ne peux pas contrôler ?” Être sobre est ma seule chance de survie. Je vous garantis que peu importe à quel point j’aime la vie et ma famille, si je me retrouve livrée à moi-même et que je bois un verre ou prends une drogue que j’aime, je serais condamnée. Je gâcherais tout. »
Tout repose sur la responsabilité. À l’aube d’une nouvelle décennie, Amber Valletta est pleinement concentrée. « Je veux être la personne que j’ai envie d’être. Je ne veux pas en parler, je veux le faire. Je veux m’autoriser à avoir des journées mauvaises, à être triste, à être en colère, à aimer, et à accepter les autres. Même ceux que je ne trouve pas bons. C’est difficile à mettre en application mais je souhaite évoluer dans le monde avec autant de douceur que faire se peut. » Entre ses mains, le monde semble déjà plus sûr.
Amber Valletta n’est pas associée à NET-A-PORTER et n’en assure pas la promotion, ni celle des produits présentés.